La victoire de Johnson peut se désintégrer le Royaume-Uni
La victoire écrasante de Boris Johnson aux législatives, ouvrant une voie royale au Brexit fin janvier, confronte le Premier ministre britannique au risque de voir vaciller l’unité du Royaume-Uni. Entre velléités de nouveau référendum sur l’indépendance en Ecosse et aspiration à une Irlande réunifiée.
Fermement opposée au Brexit, la Première ministre écossaise Nicola Sturgeon a réaffirmé vendredi sa détermination à obtenir un nouveau vote populaire, six ans après un premier référendum, où 55% des Ecossais avaient décidé de rester sous la couronne britannique.
Aux législatives jeudi, les indépendantistes de son parti, le SNP, ont remporté 48 sièges (sur 59 circonscription écossaises) à la Chambre des communes, soit 13 députés de plus que lors des dernières législatives de 2017.
Peu après l’annonce des résultats, Nicola Sturgeon a estimé que ce scrutin laisse l’Ecosse et le reste du Royaume-Uni sur des «chemins divergents».
L’énergique dirigeante écossaise estime que «Boris Johnson a obtenu avec cette élection un mandat pour sortir l’Angleterre de l’Union européenne», mais pas l’Ecosse. Le succès du SNP lui confère «un mandat renouvelé», «renforcé», pour offrir aux Ecossais le «choix» de leur avenir, a-t-elle dit.
Elle a annoncé qu’elle reviendrait à la charge dès la semaine prochaine en plaidant pour un transfert des pouvoirs qui permettrait aux Ecossais de décider eux-mêmes s’ils veulent organiser un référendum, ce qui est actuellement laissé au bon vouloir de Londres.
Selon Patrick Dunleavy, professeur de science politique à la London school of economics (LSE), si le SNP remporte largement les élections au Parlement écossais en 2021 «ce sera très difficile» pour le gouvernement de Westminster de «suivre la route du gouvernement espagnol» contre les velléités d’indépendance des Catalans.
«Je pense qu’on se dirige vers un clash constitutionnel, mais pas avant 2021», a-t-il déclaré. A cette date, «nous serons hors de l’Union européenne», «ce sera difficile pour Boris Johnson de résister, malgré ce qu’il dit», a quant à lui souligné Simon Hix, également professeur de science politique à la LSE, devant des journalistes.
Une perspective qui inquiète certains Ecossais: «Tous les gens que je connais veulent toujours faire partie de l’union, et maintenant on sent que ça nous échappe, parce que je sais que Nicola Sturgeon va demander un nouveau référendum et on a peur que ça arrive», a ainsi déclaré Sandra Hamilton, une quinquagénaire de Glasgow.
Pour d’autres en revanche, le scrutin a eu un effet révélateur: Katrina McKaylor, une employée de banque d’une quarantaine d’années, a «honte» d’avoir un gouvernement conservateur. Jusqu’alors réservée sur l’indépendance, elle y est désormais «absolument» favorable.
L’un des arguments du maintien dans le Royaume-Uni en 2014 était qu’en cas de scission, les Ecossais perdraient les avantages de l’appartenance à l’Union européenne. Deux ans plus tard, lors du référendum de juin 2016 sur le Brexit, 62% des Ecossais ont voté contre le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne, là où l’ensemble du Royaume-Uni a voté pour le Brexit à 52%.
Le scrutin prouve qu’il «n’y a pas d’assentiment et pas de mandat pour le Brexit dans le Nord de l’Irlande», a déclaré à la radio publique RTE la cheffe du Sinn Fein Mary Lou McDonald, dont le parti milite pour la réunification.
Pour Simon Hix, de la LSE, «les sondages donnent une courte majorité en faveur de l’union» des deux Irlandes. «On verra peut-être l’indépendance irlandaise, mais ce sera très long.»