Cause désespérée: voulant profiter de la crise avec Israël, le Hamas part en quête d’un soutien arabe

Le chef politique du Hamas Ismaïl Haniyeh s’est rendu au Maroc. Le groupe islamiste cherche de l’aide auprès des pays arabes. Une tentative sans doute vouée à l’échec, tant les intérêts de ces derniers avec Israël et la lutte de certains d’entre eux contre les Frères musulmans pèsent contre le Hamas, estime le géopolitologue David Rigoulet-Roze.

Alors que les bombardements ont repris dans la bande de Gaza depuis le 16 juin, le Hamas en appelle à la solidarité arabe. Acculé par la guerre express de 10 jours du 11 au 21 mai contre Israël, le voici qui cherche à diversifier son soutien financier et à sortir de son isolement.

C’est avec cet espoir que le leader politique de l’organisation, Ismaïl Haniyeh, s’est rendu au Maroc, où il a été invité le 16 juin par le Parti de la justice et du développement (PJD), l’émanation des Frères musulmans dans le royaume.

Cette visite vient réchauffer des relations qui s’étaient tendues. En effet, depuis décembre 2020, Rabat a normalisé ses relations avec l’État hébreu, en contrepartie de la reconnaissance par les États-Unis de sa souveraineté sur le Sahara occidental. «La souveraineté sur le Sahara occidental ne se ferait pas aux dépens du peuple palestinien», a cette fois déclaré le Premier ministre marocain Saad-Eddine El Othmani, se voulant rassurant. Mais il serait plus sage de ne pas trop en attendre:

«Il y a l’idée, de la part du palais, de trouver un point d’équilibre entre la normalisation avec Israël et le maintien de la fidélité à la cause palestinienne. L’opinion publique marocaine y demeure très sensible», nous explique David Rigoulet-Roze, rédacteur en chef de la revue Orients stratégiques.

L’émir du Qatar, cheikh Tamim bin Hamad Al-Thani, assiste à la deuxième journée du 136e sommet du Conseil de coopération du Golfe (CCG) qui se tient à Riyad, le 10 décembre 2015, alors que les rois et émirs de six pays du Golfe ont entamé deux jours de discussions, au moment où des discussions sans précédent sont menées par l’opposition syrienne dans un hôtel de luxe dans une autre partie de la ville. Le roi saoudien Salman bin Abdulaziz a appelé à des solutions politiques aux guerres en Syrie et au Yémen, tout en condamnant le terrorisme, à l’ouverture du sommet annuel du Golfe.

Une sensibilité qui a par exemple freiné l’inauguration du bureau de liaison israélien dans la capitale marocaine. Des propriétaires immobiliers auraient en effet refusé de louer leurs biens au chef du bureau israélien David Govrin. Mais l’humeur ambiante au Maroc n’a pas empêché le roi Mohammed VI de féliciter le 16 juin le nouveau Premier ministre israélien Naftali Bennett pour la formation du gouvernement.

Tout porte à croire que la volonté marocaine serait «de se présenter comme un médiateur dans le conflit israélo-palestinien, dans la mesure où il y entretiendrait de bonnes relations avec les deux camps», commente le chercheur. En définitive, compte tenu de la récente normalisation avec l’État hébreu, les chances de voir Rabat prendre le parti du Hamas sont bien minces.

Avec le Qatar par contre, le parti islamiste peut compter sur un allié certain. Il y a quelques jours, Doha a prévu d’envoyer pas moins de 500 millions de dollars pour aider à la reconstruction de Gaza. «Le Qatar fait office de financier du Hamas», explique David Rigoulet-Roze, car il est le grand argentier de la confrérie des Frères musulmans. Depuis 2018, le petit émirat verserait environ 30 millions de dollars par mois pour aider à la reconstruction de Gaza. Habituellement, son aide ne se fait jamais sans l’aval d’Israël. Selon une enquête du Point, Tel Aviv aurait accepté l’envoi de 360 millions de dollars en provenance du Qatar pour le paiement des fonctionnaires gazaouis.

Gaza devrait de surcroît bénéficier d’une aide égyptienne… mais pas le Hamas directement. En effet, «le Président Sissi est anti-frériste». Refusant un islam politique sur son sol, l’Égypte a fait de la lutte contre l’organisation des Frères musulmans son principal objectif sécuritaire. Après avoir joué un rôle actif dans le cessez-le-feu entre le Hamas et Israël le 21 mai dernier, Le Caire a donc promis, lui aussi, une aide de 500 millions de dollars à Gaza… à condition toutefois qu’elle ne finance pas le groupe armé.

De ce fait, « l’aide sera sous la supervision du chef des renseignements égyptiens » ce qui permet également « d’avoir les faveurs de Washington et de Tel-Aviv » explique le chercheur à l’IFAS (Institut Français d’Analyse Stratégique). Un coup dur pour le Hamas, dont la composante idéologique l’empêche d’asseoir une véritable alliance avec certains pays arabes.

Et c’est peu dire quand on connaît la politique étrangère des Émirats arabes unis, dont «les Frères musulmans sont le principal ennemi, avant même l’Iran», souligne David Rigoulet-Roze: «c’est quasiment obsessionnel», insiste-t-il.

L’organisation est reconnue comme groupe terroriste depuis 2014 par les autorités du pays. Au Moyen-Orient, la diplomatie émiratie déplace ainsi ses pions contre la confrérie. Dès 2013, elle aurait apporté un soutien de poids au maréchal Al-Sissi dans sa lutte contre les islamistes. Depuis 2018, Abu Dhabi appuie également la politique du Président syrien contre les mouvances djihadistes à Idlib.

De surcroît, depuis la normalisation avec l’État hébreu en septembre 2020, les officiels émiratis n’hésitent plus à prendre parti dans le conflit israélo-palestinien. Dernièrement, le ministre émirati des Affaires étrangères Abdallah ben Zayed Al Nahyane a déclaré devant l’American Jewish Committee: «il est ridicule que certains gouvernements ne qualifient de terroriste que la branche militaire d’une organisation et passent outre sa branche politique, alors qu’il n’y a aucune différence entre elles». Le cas émirati pourrait rapidement servir d’exemple pour son voisin saoudien.

L’Arabie saoudite a déjà classé les Frères musulmans dans les organisations terroristes en 2013. Dans le royaume, les contradictions rendent certaines politiques impossibles: si Mohammed Ben Salmane ne serait pas opposé à une normalisation avec l’État hébreu, un tel revirement lui sera impossible «du vivant de son père», explique David Rigoulet-Roze. Le prince hériter serait proche de Benyamin Netanyahou et l’aurait même rencontré en catimini dans la ville balnéaire saoudienne de Neom en novembre dernier, selon la presse israélienne.

Plus que jamais, le Hamas semble nager à contre-courant. Face à des portes timidement entrouvertes ou irrémédiablement closes, seuls lui subsistent donc des alliés traditionnels à l’instar du Qatar, de l’Iran et de la Turquie.

« Le Hamas n’a pas le choix que de composer avec des pays qui ont normalisé leurs relations avec Israël. Il y a un seul pays ou c’est impossible, c’est avec les Émirats. De toute façon la question palestinienne et pas extension le soutien au Hamas ont été dévalués sur le plan stratégique par rapport à la question du nucléaire iranien» conclut-il.

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