Pegasus : des journalistes, politiques et militants du monde entier espionnés
Des militants des droits humains, des journalistes et des opposants du monde entier ont été espionnés grâce à Pegasus, un puissant logiciel espion israélien, pour le compte d’une dizaine d’États, selon une enquête publiée dimanche dans plusieurs médias. Des correspondants étrangers de France 24 ont également été visés.
Des militants, des journalistes et des opposants du monde entier ont été espionnés grâce à un logiciel mis au point par l’entreprise israélienne NSO Group, selon une enquête publiée dimanche 18 juillet qui renforce les soupçons pesant de longue date sur cette société.
Cette entreprise, fondée en 2011 au nord de Tel Aviv, commercialise le logiciel espion Pegasus qui, s’il est introduit dans un smartphone, permet d’en récupérer les messages, les photos, les contacts, et même d’écouter les appels de son propriétaire.
NSO Group a régulièrement été accusé de faire le jeu de régimes autoritaires, mais a toujours assuré que son logiciel servait uniquement à obtenir des renseignements contre des réseaux criminels ou terroristes.
Or le consortium d’investigation Forbidden Stories et Amnesty International ont eu accès à une liste, établie en 2016, de 50 000 numéros de téléphone que les clients de NSO Group avaient sélectionnés en vue d’une surveillance potentielle. Selon une enquête menée par 17 rédactions, cette liste inclut les numéros d’au moins 180 journalistes, 600 hommes et femmes politiques, 85 militants des droits humains ou encore 65 chefs d’entreprise.
Sur cette liste figure notamment le numéro d’un journaliste mexicain, Cecilio Pineda Birto, abattu dans l’État de Guerrero au Mexique, quelques semaines après son apparition sur ce document.
Des correspondants étrangers de plusieurs grands médias, dont France 24, le Wall Street Journal, CNN, Mediapart, El País ou l’AFP en font aussi partie.
« Ce sont des faits extrêmement choquants et, s’ils sont avérés, (qui) sont extrêmement graves », a déclaré lundi matin le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, sur Franceinfo.
« Nous sommes extrêmement attachés à la liberté de la presse, donc c’est très grave d’avoir des manipulations, des techniques qui visent à nuire à la liberté des journalistes, leur liberté d’enquêter, d’informer », a-t-il ajouté.
« Il va y avoir évidemment des enquêtes, des éclaircissements qui vont être demandés », a poursuivi Gabriel Attal, sans en préciser les modalités.
Les journalistes à l’origine de l’enquête, a-t-il ajouté, « insistent sur le fait que l’État français n’est pas partie prenante de ce logiciel. Nos techniques de renseignement en France sont évidemment autorisées par la loi, elles sont respectueuses des libertés individuelles et notamment de la liberté de la presse », a-t-il rappelé, déclarant que le gouvernement « ne regardait pas ce sujet à la légère ».
D’autres noms de personnalités figurant sur la liste seront divulgués dans les prochains jours par le consortium de médias qui ont mené l’enquête, dont font notamment partie Le Monde, The Guardian et The Washington Post.
Leurs journalistes ont rencontré une partie des personnes visées et ont récupéré 67 téléphones, qui ont fait l’objet d’une expertise technique dans un laboratoire d’Amnesty International. Cet examen a confirmé une infection ou une tentative d’infection par le logiciel espion de NSO Group pour 37 appareils, selon les comptes-rendus publiés dimanche.
Deux des téléphones appartiennent à des femmes proches du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, assassiné en 2018 dans le consulat de son pays à Istanbul par un commando d’agents venus d’Arabie saoudite.
Pour les 30 autres, les résultats ne sont pas probants, souvent car les propriétaires des numéros ont changé de téléphone.
« Il y a une forte corrélation temporelle entre le moment où les numéros sont apparus sur la liste et leur mise sous surveillance », précise le Washington Post.
Cette enquête, qui met à mal la communication de la société israélienne, s’ajoute à une étude, menée en 2020 par le Citizen Lab de l’Université de Toronto, qui avait confirmé la présence du logiciel Pegasus dans les téléphones de dizaines d’employés de la chaîne Al-Jazira au Qatar.