Abir Moussi: Accusations d’apostasie » takfir » représentent des appels au meurtre
La plénière consacrée au projet de loi relatif à l’amendement du seuil électoral a été marquée, ce matin, par des échanges d’accusations entre les députés Al-Karama et PDL.
Nous sommes en danger et nous appelons les autorités à prendre leurs responsabilités suite aux accusations d’apostasie (« takfir ») qui nous ont été adressées par des députés Al-Karama, et qui représentent des appels au meurtre», a indiqué aujourd’hui, mardi 3 mars 2020, la présidente du Parti destourien Libre (PDL), Abir Moussi, lors d’une conférence de presse organisée à l’Assemblée.
Après l’intervention de Mme Moussi, qui a notamment déclaré qu’il y a une emprise des partis islamistes depuis 2011 sur la vie politique en Tunisie et que la démocratie n’est ni comprise ni appliquée, tout en alertant contre l’obscurantisme que souhaitent imposer les Frères musulmans et leurs dérivés (par allusion à Ennahdha et Al-Karama).
Elle a aussi assuré que le projet de loi objet de la plénière a été conçu sur mesure par des «organisations qui ont causé du tort au pays, notamment en envoyant des jeunes dans les zones de conflits», a-t-elle dit, en alertant le peuple contre ce qu’elle a qualifié de grande escroquerie.
En réaction, Nidhal Saoudi (Al-Karama) a déclaré que son parti va voter pour cet amendement, notamment parce qu’il y a des partis, en particulier, qui s’y opposent. «Ils veulent lutter contre l’islamisation de l’Etat et sont des ennemis de l’islam», a-t-il dit, par allusion au PDL, dont la présidente venait de prendre la parole, mais sans les nommer.
Le député Al-Karama a été interrompu par le deuxième vice-président de l’ARP, Tarek Fetiti : «Aucun Tunisien n’est ennemie de l’islam. Il n’y a pas d’ennemis de l’islam, ni au Parlement ni en Tunisie», lui a-t-il lancé.
Peu après, Mohamed Affes (Al-Karama) a volé au secours de son collègue, en lançant : «Nous n’avons pas honte du takfirisme car il s’agit d’un jugement de la charia», a-t-il dit, en commençant à lire un verset du Coran, parlant de mécréants, avant d’être interrompu, à son tour, par le président de la séance, qui a rappelé au député que l’Assemblée n’est pas un lieu pour émettre des fatwas.
Cela ne s’est pas arrêté là, puisque Samir Dilou (Ennahdha) a décidé lui aussi d’intervenir, pour dénoncer les propos d’Abir Moussi, qui qualifie «Ennahdha de Frères musulmans et ne respecte pas les députés ni le parlement en interrompant sans cesse tous ceux qui prennent la parole», a-t-il dit, en ajoutant que s’il voulait tomber dans les accusations, il pourrait qualifier Abir Moussi de «fasciste», ce qui a mis la députée hors d’elle.
La président du PDL a demandé, à son tour, un point d’ordre : «J’appelle l’opinion publique a être témoin des accusations de takfir qui nous ont été adressées. Ceux qui nous attaquent ne sont pas plus musulmans que les autres. Cette violence politique est un appel au meurtre», a-t-elle dit en reprochant au M. Fetiti de n’avoir pas ordonné au député Saoudi de retirer son accusation.
A leur tour, les députés Al-Karama ont demandé un droit de réponse pour expliquer qu’ils n’ont ni accusé Abir Moussi, ni les députés PDL de mécréants : «Il n’y a pas de takfir dans nos déclarations. Nous ne sommes pas là pour dire qui est mécréant et qui ne l’est pas», ont-il soutenu.
Suite à cette séance, qui a perdu son fil conducteur, laissant la place à d’interminables points d’ordre, les députés du PDL ont organisé une conférence de presse pour alerter sur les dérives et appeler les autorités à faire face à leurs responsabilités.
Abir Moussi a assuré que des partis instrumentalisent l’islam et accusent le PDL de mécréance : «C’est un appel au meurtre très clair et ils veulent notre peau. Ils veulent que nos députés se fassent éliminer, et surtout la présidente du PDL. Avec ces graves déclarations, nous sommes clairement en danger, la démocratie est en danger, l’Assemblée est en danger», a-t-elle dit, en assurant que des inconnus ont tagué, hier soir, des insultes sur les murs du bureau du PDL de Radès : «C’est le début de l’intimidation et du cercle de la violence qui se terminera mal si les autorités n’agissent pas»
«Le ministère de l’Intérieur, le président de la république et le chef du gouvernement doivent agir; nous sommes en danger et ce n’est pas une première et la justice ne nous a même pas convoqués pour nous entendre la dernière fois lorsque nous avions subi les mêmes menaces», a ajouté Abir Moussi.