Barghouti et Dahlan inquiètent Abbas et dominent la scène politique palestinienne
Pour la première fois en 15 ans, les Palestiniens se rendront aux urnes en mai prochain pour élire un nouveau Conseil législatif (parlement), à condition que les élections présidentielles aient lieu fin juillet 2021, toute l’attention est concentrée sur les deux dirigeants Barghouti et Dahlan dont le rôle apparaît décisif dans cette confrontation, mais l’un d’eux est exilé à l’étranger et l’autre est détenu dans les prisons d’Israël.
L’un vit en exil aux Emirats et livre des vaccins par milliers à Gaza, l’autre est en prison en Israël mais fait figure de héros en Cisjordanie. A l’approche d’élections, Marwan Barghouti et Mohammed Dahlan inquiètent Mahmoud Abbas .
Ecroué en Israël depuis près de 20 ans pour son rôle dans une série d’attaques au début de la Seconde Intifada, M. Barghouti, qualifié par ses partisans de « Mandela de Palestine », reste la personnalité politique la plus populaire dans les Territoires, selon des sondages locaux.
« Marwane ne participera pas aux législatives, mais il soutiendra de l’extérieur une liste », assure un cousin proche, Raed Barghouti, lors d’un entretien dans le village familial de Kober, en Cisjordanie. « Marwan veut avoir son mot à dire sur les candidats » de la liste qu’il soutiendra, souligne-t-il depuis une terrasse donnant sur une vallée clairsemée d’oliviers.
Dans sa ville natale de Khan Younès, au sud de la bande de Gaza, Mohammed Dahlan, ex-chef des forces palestiniennes de l’enclave reste populaire malgré une décennie à l’étranger.
Dans la maison familiale, immeuble blanc jurant avec le gris cru des autres édifices, des proches sortent des albums souvenirs d’un Dahlan jeune et maigrelet, exhibent ses bulletins scolaires témoignant de plus d’acuité en histoire qu’en théologie musulmane, et se félicitent de son dernier coup: la livraison de 20.000 vaccins orchestrée depuis les Emirats, via l’Egypte.
A lui seul, Dahlan a fourni plus de vaccins anti-Covid à Gaza que l’Autorité palestinienne de Mahmoud Abbas, une donnée qui ne passe pas inaperçue à près de deux mois des législatives de mai, les premières en 15 ans dans les Territoires palestiniens. Et à quelques semaines du dépôt des listes électorales, le 20 mars.
A Khan Younès, les pro-Dahlan distribuent de la nourriture aux plus démunis, de l’argent aux sans-emploi, des bourses aux étudiants. Omrane, chômeur de 36 ans, dit avoir touché 80 shekels (20 euros) récemment et appelé des proches pour les encourager à joindre le « courant réformiste ».
« Nous attendons les élections pour voter Fatah! Qu’est-ce que le Hamas a fait pour nous? Aux élections, il pourrait y avoir des résultats nous permettant de manger, de boire, de trouver du travail », lance Amna al-Demaisy, jeune mère au visage rond ceint d’un châle tombant aux chevilles. « L’aide vient soit d’une association liée au Hamas, soit d’une autre proche de Dahlan« , résume pour sa part Nisreen Zoroub, 32 ans.
L’aide est « sans condition », assure un proche de M. Dahlan, Emad Mohsen, un francophile qui fait état de « 100.000 membres » au sein du courant réformiste et promet « d’autres livraisons de vaccin » dans les prochaines semaines.
« Nous bénéficions d’une coopération humanitaire avec le Hamas (…), alors qu’en Cisjordanie, les choses sont beaucoup plus difficiles », dit Osama Al-Farra, un ténor du camp Dahlan.
Outre M. Dahlan, le neveu de Yasser Arafat, Nasser al-Qudwa, a affiché sa volonté de présenter sa propre liste, ce qui lui a valu jeudi son exclusion du Fatah.
Pour l’analyste Ghassan Khatib, une chose est certaine: Mahmoud Abbas « est préoccupé par Barghouti, Kidwa et Dahlan car chaque vote qu’ils pourraient obtenir se ferait aux dépens du courant central du Fatah, et bénéficierait donc au final au Hamas ».
Depuis que Mohammed Dahlan, un rival de M. Abbas au sein du parti Fatah, a été poussé à l’exil en 2011 après avoir été reconnu coupable de corruption, ses réseaux continuent d’opérer sur place.
Après les législatives viendra le tour d’une présidentielle en juillet. Si ce scrutin n’est pas annulé, M. Barghouti sera candidat, avance son frère Muqbil. « Nous aurons alors un président en prison, cela montrera au reste du monde comment vivent les Palestiniens. »
par: Arab Observer