Davutoglu a promis de restaurer la démocratie qui s’est effondrée sous le règne d’Erdogan
L’ex-Premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, a officiellement lancé hier son parti politique, rejetant tout «culte de la personnalité» et appelant au respect de l’Etat de droit, une pique à peine voilée à l’adresse du président Recep Tayyip Erdogan accusé de dérive autoritaire. Davutoglu a été chef du gouvernement, sous M. Erdogan, de 2014 à 2016, avant d’être brutalement écarté en raison de désaccords avec le chef de l’Etat et alors qu’il semblait vouloir prendre davantage d’autonomie.
Lors d’une cérémonie à Ankara, il a officialisé la naissance du «Parti de l’avenir» et présenté son emblème, une feuille de platane, symbole d’enracinement, de la couleur verte de l’islam, un appel du pied aux électeurs conservateurs déçus du parti présidentiel AKP.
Dans un discours fleuve, cet ancien universitaire, âgé de 60 ans, a présenté ses priorités en matière d’économie et de politique étrangère, mais surtout insisté sur le respect de l’Etat de droit en reprenant des griefs souvent adressés à Erdogan. «Il est essentiel, pour un Etat de droit, d’avoir pour socle l’indépendance de la justice (…) La presse ne devrait pas s’autocensurer ou être directement censurée», a-t-il déclaré.
Davutoglu n’a pas prononcé le nom de Erdogan, mais ce réquisitoire semble directement viser le président turc, accusé par les ONG et des pays occidentaux de dérive autoritaire, en particulier depuis une tentative de coup d’Etat le visant en 2016. «Notre parti rejette une manière de faire de la politique basée sur le culte de la personnalité», a-t-il ajouté. Davutoglu, qui a également servi comme chef de la diplomatie de Erdogan, a longtemps été l’un des ses plus proches alliés depuis son arrivée au pouvoir, en 2003.
Mais le président turc l’a écarté sans ménagement en 2016, alors que les deux hommes s’opposaient sur plusieurs dossiers, notamment une révision constitutionnelle visant à instaurer le régime hyperprésidentiel voulu par Erdogan. Hier, Davutoglu a appelé à revenir sur cette réforme qui «ne remplit pas les critères démocratiques».
Davutoglu n’est pas le seul ancien proche du président à faire sécession : un ancien vice-Premier ministre et ministre de l’Economie de Erdogan, Ali Babacan, a indiqué qu’il lancerait son propre parti dans les semaines à venir. Les opposants de Erdogan espèrent que la création de ces formations dissidentes contribuera à affaiblir l’AKP, qui a essuyé des revers sans précédent lors des dernières élections municipales en mars, sur fond de difficultés économiques.