Des milliers de manifestants se rassemblent en Irak pour un troisième vendredi de mobilisation

Des milliers de manifestants se rassemblent en Irak pour un troisième vendredi consécutif de mobilisation contre leurs dirigeants, de leur côté déterminés à se maintenir et à en finir avec un mouvement de contestation qui paralyse des infrastructures vitales.
« On a donné le sang des fils de nos tribus, on ne s’arrêtera pas avant la démission du gouvernement », a prévenu un dignitaire tribal venu de Nassiriya, à 300 km au sud de Bagdad, pour manifester sur l’emblématique place Tahrir de la capitale.
Jeudi, au moins 13 manifestants ont été tués, six à Bagdad et sept à Bassora (sud), selon des sources médicales. Au total, près de 300 personnes, en majorité des manifestants, ont péri et des milliers ont été blessés dans des violences et lors de rassemblements depuis le début le 1er octobre du mouvement, inédit par son caractère spontané, son ampleur et sa longévité.
Le Premier ministre Adel Abdel Mahdi, un indépendant sans base partisane ou populaire, a envisagé de démissionner début octobre, assurent des responsables, avant de faire volte-face.

Désormais, il multiplie communiqués et réunions au sommet télévisées pour expliquer qu’il est désormais temps de « retourner à la vie normale » et de relancer l’activité économique, particulièrement dans le sud pétrolier paralysé par un large mouvement de désobéissance civile.

A Bassora, province la plus riche en pétrole du pays mais aussi l’une des moins bien dotées en infrastructures et services, des affrontements ont forcé les autorités à refermer le port d’Oum Qasr, vital pour les importations, après quelques heures de réouverture.
Ailleurs dans le pays, les accès aux administrations et certaines installations pétrolières sont bloqués par des piquets de grève, tandis que les camions-citernes transportant environ 100.000 barils de pétrole destinés à l’exportation sont bloqués dans le nord du pays.

En dépit des violences, les manifestants assurent qu’ils resteront sur les places d’Irak jusqu’à obtenir une refonte du système politique post-Saddam Hussein et un renouvellement total d’une classe politique inchangée depuis la chute du dictateur il y a 16 ans.
Face à eux, les autorités, dominées par les partis et factions armées proches de l’Iran voisin, tiennent bon.
« Pour Adel Abdel Mahdi, son poste vaut plus que le sang des Irakiens », accuse sur Tahrir un dignitaire tribal de Bagdad, où les forces de sécurité tirent désormais à balles réelles.
De la place Tahrir, la ligne de front s’est déplacée au-dessus du fleuve Tigre. C’est désormais sur quatre des douze ponts de Bagdad que manifestants et forces de sécurité se font face. Des barrages de béton y ont été montés par les policiers antiémeutes.
Là, ces derniers tirent des grenades assourdissantes, qui chaque nuit font vibrer Bagdad comme au temps des attentats des quinze dernières années, et des grenades lacrymogènes.
L’usage de grenages aux gaz de plus en plus puissants et innervants assurent les médecins, est unanimement condamné. Dix fois plus lourdes que la normale, ces grenades métalliques venus de Serbie et d’Iran ont déjà tué 16 manifestants, selon l’ONU, fracassant des crânes ou des torses.
Les défenseurs des droits humains dénoncent également arrestations, enlèvements et intimidations de militants et de médecins par des forces que l’Etat assure jusqu’ici ne pas pouvoir identifier.

Sur le plan politique, les pressions de l’Iran et de ses alliés en Irak pour maintenir le statu quo semblent avoir fait leur effet.
Le Parlement, qui avait réclamé que M. Abdel Mahdi se présente devant lui, a cessé de plaider pour une séance de questions au gouvernement.
Le président Barham Saleh est resté discret après le rejet par M. Mahdi de sa proposition d’élections anticipées.

Quant au turbulent et versatile leader chiite Moqtada Sadr, revenu d’Iran pour se mêler aux manifestants, il est reparti, selon des sources aéroportuaires, chez le grand voisin et parrain de la politique irakienne, dont les consulats sont régulièrement pris pour cible par les manifestants.
Le grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité chiite du pays qui passe pour faire et défaire les Premiers ministres, n’a lui toujours pas dit qu’il lâchait M. Abdel Mahdi.
Il a toutefois de nouveau appelé vendredi les autorités à « ne pas procrastiner » et à répondre « aux demandes légitimes des manifestants dans un temps limité ».

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