Ennahdha et l’amendement de la loi électorale
C’est ce mardi 3 mars 2020 que l’Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) va se pencher sur le très controversé amendement de la loi électorale. La proposition de réforme a été formulée par Ennahdha en janvier 2020 et elle porte, essentiellement, sur la révision du seuil électoral à 5%. Concrètement, Ennahdha souhaite que les bulletins blancs et les voix qui ont été exprimées en faveur des listes électorales ayant obtenu moins de 5% ne soient plus comptabilisées dans les résultats du scrutin.
Il s’agit, en fait, d’une proposition qui a fait grincer les dents des opposants au parti islamiste et de plusieurs organisations nationales. Pour Ennahdha, sur le papier, l’objectif principal est de « garantir une majorité à l’ARP capable de gouverner ». Mais pour l’opposition, notamment le Parti des Patriotes Démocrates Unifié (PPDU), il s’agit, surtout, d’une magouille pour exclure les adversaires politiques d’Ennahdha. D’ailleurs, des questions ont le mérite d’être posées au sujet de l’adoption du projet d’amendement de la loi électorale en commission. Celle-ci s’est faite en douce, dans la précipitation, et les débats n’ont pas été aussi constructifs que prévu, d’autant plus que le projet d’amendement, si on remonte dans le temps, a fait polémique en 2019. Il avait même été qualifié de « l’amendement de l’exclusion« . D’ailleurs, l’ancien président défunt, Béji Caïd Essebsi, n’avait pas signé le projet. C’était très plausible et cela relevait du bon sens. Les observateurs avertis affirmaient que l’ancien Chef du gouvernement, Youssef Chahed, avait voulu exclure ses adversaires politiques, surtout Nabil Karoui, président de Qalb Tounes, qui représentait une concurrent gênant aux élections législatives et présidentielle de 2019.
Finalement, comme souligné, le projet d’amendement a été rejeté.
Le voici, à présent, remis au goût du jour par Ennahdha et on se demande bien pourquoi. Que mijote le parti islamiste après la claque qu’il a reçue de la part du président de la République Kaïs Saïed ? Le parti a voulu, rappelons-le, jouer avec les ambiguïtés de la Constitution pour provoquer un putsch constitutionnel et faire tomber le gouvernement de Youssef Chahed par une motion de censure et désigner un nouveau Chef du gouvernement. C’était peine perdue : on ne peut retirer la confiance à un gouvernement démissionnaire.
Le projet d’amendement de la loi électorale prévoit, d’autre part, le versement d’une prime à chaque candidat ou liste candidate qui aura obtenu plus de 3% des suffrages.
Ce projet, comme nous l’avons souligné, a attisé la colère de 12 organisations et associations nationales, de partis politiques et de personnalités indépendantes. Observons, pour l’instant, l’évolution des débats à l’ARP.