Faible participation aux élections législatives tunisiennes
Rue de Marseille, en plein centre de Tunis, il n’y avait pas foule, dimanche matin, pour élire les députés. Le taux de participation à 14 h 30 s’élevait à 23,5 %. Le premier tour de la présidentielle avait enregistré une abstention record de 55 %.
Votants, assesseurs, observateurs internationaux… Tous estiment que l’heure matinale est la vraie raison de la désertion du bureau de vote. « Les Tunisiens ne sont pas des lève-tôt. Ils viendront cet après-midi », répètent-ils. Humour ou méthode Coué ? À 14 h 30 (heure locale), le taux de participation s’élevait à 23,5 %, selon les données de l’Isie, l’instance chargée de l’organisation des élections. Une mobilisation bien plus faible qu’à la même heure lors des dernières législatives en 2014 (25 %).
Trois semaines plus tôt, lors de la présidentielle, la participation s’était établie à 7,3 %. La file d’attente s’étirait sur près de 200 mètres avant l’ouverture des bureaux. Ce dimanche, elle est réduite à une vingtaine de personnes venues expédier la corvée électorale avant de vaquer à leurs occupations dominicales.
Pourtant, le scrutin revêt une importance capitale pour la Tunisie. Régime parlementaire depuis la révolution de 2011, la coalition majoritaire à l’Assemblée des représentants du peuple accèdera au gouvernement. Ce dernier dispose de plus de pouvoirs que le président, cantonné aux relations diplomatiques.
Plus de 15 000 candidats, répartis sur 1 500 listes, se disputent 217 sièges, dans un Parlement jusque-là dominé par le parti d’obédience islamiste Ennahdha. Une profusion de candidatures qui a laissé dubitatif les Tunisiens.
Fayçal Zuary fait partie des rares électeurs à avoir fait le déplacement ce matin. Il est venu pour tenter de dissiper le flou dans lequel semble englué les Tunisiens :
« Je vais voter utile », affirme le retraité qui veut confirmer les résultats de la présidentielle et voter pour les partis soutenant l’un des finalistes, le constitutionnaliste indépendant Kaïs Saïed ou le magnat des médias Nabil Karoui, actuellement en détention provisoire pour fraude fiscale.
Parmi les rares votants, beaucoup de têtes grises. Des personnes âgées qui s’étaient déjà déplacées en nombre trois semaines plus tôt. Au point que dans son édition du matin, le journal LeTemps s’interroge. » Un dragon qui dort au tournant des élections : et si les retraités en décident autrement ? »
Une impression confirmée par Abdelaziz Bahri, le président du centre de vote, qui s’affaire entre les différents bureaux pour s’assurer que l’électeur soit bien orienté, que le scrutin se déroule bien et que les observateurs internationaux, venus en nombre, soient bien accueillis. « Il y a un peu moins de monde et pas beaucoup de jeunes. Ils viendront plus tard », espère-t-il.
Parmi la multitude de retraités, Lilya, 20 ans, dénote. Cette étudiante en ingénierie est venue voter avec sa mère pour « changer la Tunisie ».
« Je pense qu’on peut faire mieux. On a les ressources humaines et naturelles pour s’en sortir », estime-t-elle. Grand sourire aux lèvres à l’occasion de ces législatives, elle veut croire que ses candidats pourront résoudre les problèmes économiques et sociaux que traversent la Tunisie : chômage de masse, inflation, cherté de la vie… Son optimisme tranche radicalement avec le désespoir de beaucoup de jeunes Tunisiens.