Flou total sur la destination du tanker iranien libéré par Gibraltar
Un flou total régnait vendredi sur la destination finale du pétrolier iranien Adrian Darya 1, près de deux semaines après sa libération par les autorités de Gibraltar, contestée par Washington, la Turquie et le Liban ayant démenti qu’il se dirigeait vers leurs côtes.
Transportant 2,1 millions de barils de pétrole brut d’une valeur de plus de 140 millions de dollars, Adrian Darya 1 avait été saisi le 4 juillet au large de Gibraltar, soupçonné de transporter du pétrole vers la Syrie, en violation de sanctions européennes.
Le 18 août, le navire avait finalement été autorisé à appareiller, malgré une intervention des Etats-Unis, ennemi juré de l’Iran, qui voulaient le maintenir à l’arrêt. Les autorités britanniques de Gibraltar ont relevé que Téhéran s’était engagé à ne pas envoyer ces barils en Syrie.
Depuis, le pétrolier vogue en Méditerranée, sans qu’il soit possible de déterminer sa destination ni le sort de sa cargaison. Car si l’Iran a affirmé lundi avoir vendu le pétrole à bord de l’Adrian Darya 1, il n’a pas dévoilé l’identité de l’acheteur.
Vendredi, le chef de la diplomatie turque Mevlut Cavusoglu a affirmé que « le pétrolier se dirigeait vers le Liban ».
Beyrouth a aussitôt démenti cette déclaration. « Il n’y a aucune demande d’entrée au Liban du pétrolier Adrian Darya 1 », a affirmé la ministre de l’Energie Nada Boustani sur son compte Twitter.
M. Cavusoglu a ensuite précisé ses propos, estimant que le navire ne s’arrimera pas forcément à un port libanais, mais qu’il se dirigeait vers « les eaux territoriales du pays ».
En visite à Oslo, il avait affirmé que le navire n’était pas en route pour Iskenderun, un port du sud de la Turquie nommé Alexandrette en français, signalé comme destination du tanker par le site MarineTraffic, qui surveille le trafic maritime.
Vendredi vers 16H00 GMT, d’après MarineTraffic, l’Adrian Darya se trouvait juste au nord-ouest de Chypre, après avoir accompli toute une boucle dans la journée précédente.
Les jours précédents, il avait affiché comme destination Mersin, en Turquie, puis Kalamata, dans le sud de la péninsule grecque du Péloponnèse. Athènes a assuré que le pétrolier ne se dirigeait pas vers la Grèce.
Et « s’il entre dans les eaux territoriales du Liban, des mesures seront prises pour le renvoyer », a assuré un responsable au sein du gouvernement libanais, sous couvert de l’anonymat.
– « Zigzag sans but » –
Rebaptisé Adrian Darya 1 à son départ Gibraltar, le pétrolier navigue sous pavillon iranien. Il avait auparavant un pavillon panaméen et se nommait Grace 1.
Téhéran avait assuré ne pas pouvoir être « transparent » concernant la destination de son pétrole, accusant les Etats-Unis d’essayer « d’intimider » les acheteurs potentiels.
Ces dernières semaines, cette affaire a cristallisé les tensions entre les Etats-Unis et l’Iran.
Ces tensions se sont accentuées depuis que Washington s’est unilatéralement retiré en 2018 d’un accord international, conclu en 2015 pour encadrer le nucléaire iranien. Les Etats-Unis ont ensuite rétabli des sanctions draconiennes contre Téhéran.
Selon le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, la vente du pétrole que transporte l’Adrian Darya 1 contribuerait à financer les forces iraniennes.
Le 19 août M. Pompeo avait dit espérer que le pétrolier serait de nouveau arraisonné afin de ne pas alimenter la « campagne de terreur » que Washington accuse Téhéran de mener.
Par le passé, Washington a également accusé le navire de chercher à transporter sa cargaison vers la Syrie, où le régime de Bachar Al-Assad, soutenu par Téhéran, fait aussi l’objet de sanctions économiques américaines.
L’arraisonnement avait également provoqué une grave crise entre Londres et Téhéran, qui avait saisi le 19 juillet un pétrolier britannique, le Stena Impero, dans le détroit d’Ormuz.
Le site TankerTrackers de suivi des transports pétroliers a averti vendredi sur les réseaux sociaux qu’il ne fallait pas trop se fier aux destinations affichées par l’Adrian Darya 1, penchant plutôt pour un transfert de la cargaison sur des pétroliers plus petits.
« Il faut considérer cela comme une mise à jour des données plutôt que quelque chose de substantiel », selon le site.
« Nous pensons qu’un transfert aura encore lieu dans quelques jours. La Turquie n’importera pas ce pétrole », d’après la même source.
En attendant, le navire « zigzague sans but dans la Méditerranée ».