Harir accuse Gebran Bassil de vouloir gouverner le pays
Lors d’une conversation avec un groupe restreint de journalistes, le Premier ministre sortant accuse Gebran Bassil de vouloir « gouverner le pays ».
Maintenant qu’il a décidé de ne plus revenir au pouvoir, le Premier ministre sortant et chef du Courant du Futur Saad Hariri sort de son silence. Lors d’une conversation à bâtons rompus avec un groupe de journalistes mardi, il explique toutes ses décisions par sa volonté de « préserver la stabilité dans le pays » et d’empêcher toute dérive vers une sédition confessionnelle, notamment entre sunnites et chiites. Comme il fait part de son amertume face aux agissements de ses anciens partenaires, notamment le chef du Courant patriotique libre Gebran Bassil, qu’il accuse d’avoir imposé le choix de Hassan Diab comme Premier ministre et de vouloir « gouverner le pays » à sa guise.
L’ancien ministre de l’Éducation et universitaire Hassan Diab avait été désigné jeudi dernier Premier ministre, après avoir été soutenu par le Hezbollah, Amal (de Nabih Berry) et le CPL. La rue reste toutefois sceptique face à sa désignation. Le mouvement de contestation estime que M. Diab fait partie de la même classe politique corrompue dont les manifestants réclament le départ depuis le 17 octobre, tandis que dans les régions sunnites les protestataires, majoritairement des partisans de Saad Hariri, ne décolèrent pas, estimant que M. Diab ne bénéficie pas d’une couverture sunnite suffisante, n’ayant recueilli les voix que de six députés de cette confession sur 27.
Saad Hariri a pris sa décision : « nous ne participerons pas au gouvernement Diab », même sous la forme d’experts qui seraient proches du Courant du Futur, « et nous ne voterons pas la confiance », annonce-t-il. Quelle différence que son cabinet obtienne 70 ou 90 voix ?. Pour lui, le gouvernement de Hassane Diab « est le gouvernement de Gebran Bassil ».
Et le Premier ministre sortant ne mâche pas ses mots à l’égard du chef du CPL, qui a choisi selon lui le nouveau Premier ministre : « Gebran Bassil veut gouverner le pays », dit-il, critiquant sans les nommer « ceux qui adoptent un langage confessionnel, sectaire et raciste ». « Comment est-il possible de travailler avec quelqu’un qui vous insulte tout le temps ? », demande-t-il, assurant qu’il est hors de question qu’il revienne au pouvoir pour le moment, même en cas d’échec de M. Diab à former un gouvernement, sauf si M. Bassil et le chef de l’État Michel Aoun « font preuve de modération ».
M. Hariri indique avoir vu Hassane Diab il y a deux ou trois semaines, dans les cadre des concertations pour la formation d’un cabinet d’experts, mais assure ne pas avoir été informé à l’avance de sa nomination.
S’il critique le choix de Hassan Diab pourquoi n’a-t-il pas nommé Nawaf Salam, ancien ambassadeur du Liban à l’ONU et juge à la Cour Internationale de Justice, lors des consultations parlementaires jeudi dernier ? « Je suis le Premier à avoir évoqué le nom de Nawaf Salam pour me succéder, après ma démission », explique-t-il, critiquant « ceux qui surfent à présent sur cette vague comme ils surfent sur la vague de la révolution ». « Mais je n’aurais pas accepté que Nawaf Salam soit désigné sans aucune voix chiite, et connaissant Nawaf, lui-même ne l’aurait jamais accepté », ajoute le Premier ministre sortant, soulignant qu’il faut à tout prix préserver la mosaïque confessionnelle du pays. Quant au chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt, « il m’a informé à la veille des consultations qu’il allait nommer Nawaf Salam, mais je ne lui ai en aucun dit que j’allais faire de même », ajoute-t-il. Interrogé au sujet des Forces libanaises, il estime que leur décision de ne pas le désigner lors des consultations a fait pencher la balance et l’a convaincu de se retirer de la course.
Le Premier ministre sortant revient sur sa position depuis l’éclatement du soulèvement populaire, le 17 octobre. « J’avais l’intention de démissionner dès mon premier discours, le 18 octobre, mais j’ai voulu d’abord constituer un filet de sécurité pour le pays », explique-t-il. Et il assure avoir informé tout le monde de sa décision de démissionner, en réponse au palais de Baabda et au Hezbollah qui ont affirmé avoir été pris de court par sa décision, annoncée le 29 octobre.
Il révèle que pendant les jours précédant sa démission, le palais présidentiel a tenté quotidiennement de convoquer le Conseil supérieur de défense, pour prendre la décision de réprimer par la force le soulèvement populaire, mais qu’il s’y est opposé.
Au final, Saad Hariri affirme qu’il a tout fait « pour éteindre les incendies allumés par d’autres », et pour « empêcher une sédition entre chiites et sunnites ». Il assure au passage que le tandem chiite – Amal et le Hezbollah – voulait également éviter à tout prix un conflit entre sunnites et chiites, et rend un hommage spécial au chef du Législatif Nabih Berry pour sa volonté de préserver la paix civile.
En un mot, dit Saad Hariri, « j’ai payé le prix de ma politique modérée qui n’avait qu’un seul but : préserver la stabilité du pays ». Mais il avertit que l’effondrement est proche, et que le Liban peut tenir « tout au plus trois mois » économiquement.