Il pleut dans l’humidité
Il pleut sur l’humide. Destruction sur destruction. Plus d’incertitude en plus de l’incertitude déjà existante. Plus de douleur alors qu’il n’a pas encore été possible de guérir la douleur qui traîne depuis pas moins de douze ans. Parce que la Syrie, rappelons-le, est toujours en guerre, même si nos yeux ont un regard différent, un destin différent. L’Ukraine n’est pas la seule à se vider de son sang jour après jour. Ce n’est pas seulement la déraison qui s’empare de ce pays. L’oubli vient vite quand on ne veut pas se souvenir. Le quotidien crée de la lassitude et se transforme en froideur, comme ces yeux qui percent et ne transmettent que de l’indifférence.
Il y a peu à craindre lorsque vous n’avez presque rien à perdre. Tout n’est que peur et terreur quand on découvre que même cela disparaît presque. Comme la vie est parfois cruelle ! Il ne se lasse pas de frapper, encore et encore, et toujours le plus vulnérable. La pauvreté attire plus de pauvreté. Comme si le désespoir chantait des chansons qui cajolent la mort.
Et, dans ce scénario, la terre bouge avec une brutalité effroyable. La Syrie tremble, avec sa situation compliquée pour l’arrivée de l’aide humanitaire ; la Turquie tremble aussi. Des milliers et des milliers de morts – on parle déjà de plus de 20 000 – gisent parmi les centaines de bâtiments effondrés, dans les rues des grandes et petites villes, dans des morgues de fortune… Des cadavres qui montrent qu’il y a encore beaucoup d’histoires à écrire, qui noient les mots et assèchent les larmes comme des rivières qui ont oublié leur cours.
Personne n’est à l’abri de la surprise, des défis de la nature qui se déchaîne et nous brise. Ça sent la mort dans le pays des morts. De nouveaux décombres sous les décombres. Un cri, deux, mille. L’espoir est maintenant crié, il a la mélodie d’un cri, d’une lamentation. Le silence. Plus. Le silence est le pont vers la lumière. Être entendu, dans ces moments-là, pouvoir élever sa voix depuis les profondeurs de l’enfer, c’est naître à nouveau. Et les images qui parlent de la vie au milieu de tant de mort font frémir. Laissez-les arrêter le temps… s’il vous plaît.
La terre a tremblé. Il n’y a pas d’eau, pas de lumière, il y a trop de froid, il y a trop de désespoir.
Syrie. La Turquie. Organiser, mobiliser, déblayer les décombres, chercher, tout cela dans le seul but d’arriver à temps. Combien de réalités y a-t-il dans chaque réalité ? Plus de 50 pays se sont rendus dans la zone sinistrée, plus en Turquie qu’en Syrie, ce qui ne facilite pas les choses, pour répandre un peu d’espoir. L’armée espagnole est là avec l’UME, les pompiers, la police, les ONG et de nombreux travailleurs humanitaires et bénévoles anonymes. La solidarité devient un gros titre, mais dans quelques jours, ce titre commencera à s’estomper, il s’estompera comme la mémoire au fil des années. Les milliers de spécialistes et de citoyens qui se sont installés dans ces pays retourneront à leur destination, à leur travail. Ensuite, l’énorme tristesse causée par ce présent déchirant fera place à un avenir immédiat plein de solitude et d’incertitude.