Incendies en Amazonie. Le Brésil accepte finalement l’aide internationale
Après avoir annoncé, mardi, rejeter l’aide de 20 millions de dollars des pays du G7 pour combattre les incendies de la forêt amazonienne, le Brésil a finalement décidé de l’accepter à condition de décider de son utilisation.
Le Brésil s’est finalement dit « ouvert » mardi à une aide financière « d’organisations étrangères et même de pays » pour lutter contre les incendies en Amazonie à condition de contrôler les fonds, après avoir rejeté la veille une offre du G7.
« Le point essentiel est que cet argent, une fois entré au Brésil, n’aille pas à l’encontre de la souveraineté brésilienne et que la gestion des fonds soit sous notre responsabilité », a déclaré un porte-parole de la présidence, au lendemain d’une offre de 20 millions de dollars émanant des pays du G7.
Ce revirement intervient alors que les incendies ont provoqué une indignation internationale et menacent un accord de libre-échange UE-Mercosur négocié depuis 20 ans.
La souveraineté du Brésil sur l’Amazonie remise en question
Jair Bolsonaro avait mardi matin conditionné l’arrivée de l’aide du G7 au « retrait de (ses) insultes » par son homologue français Emmanuel Macron, prenant le parti de l’escalade dans la violente polémique opposant le Brésil et la France.
« Monsieur Macron doit retirer les insultes qu’il a proférées contre ma personne », a-t-il lancé, au sujet des accusations de son homologue selon lesquelles il avait « menti » sur ses engagements environnementaux.
« D’abord il m’a traité de menteur et ensuite, d’après mes informations, il a dit que notre souveraineté sur l’Amazonie était une question ouverte », a dit Jair Bolsonaro avant de rencontrer les gouverneurs des neuf États d’Amazonie.
Pour cet ex-capitaine de l’armée, climatosceptique assumé, la souveraineté du Brésil sur ses 60 % d’Amazonie, qu’il appelle « notre Amazonie », n’est pas négociable.
Les gouverneurs ont soutenu mardi le président sur la question de la souveraineté, tout en réclamant une aide internationale pour l’Amazonie.
Au dernier jour du sommet du G7 de Biarritz (sud-ouest de la France), Emmanuel Macron s’était interrogé sur l’opportunité de conférer un statut international à la forêt amazonienne, au cas où les dirigeants de la région prennent des décisions nuisibles pour la planète.
Dans son bras-de-fer, M. Bolsonaro pouvait compter toutefois sur le « soutien sans réserve »de Donald Trump. « Il travaille très dur sur les feux en Amazonie et, à tous égards, fait un très bon boulot pour le peuple brésilien », a assuré le président américain.
« Merci président Donald Trump. Nous combattons les feux de forêt avec beaucoup de succès. Le Brésil est et sera toujours une référence internationale en matière de développement durable. La campagne de désinformation à l’encontre de notre souveraineté ne va pas fonctionner », a réagi le président brésilien sur Twitter.
Lundi soir, Brasilia avait rejeté les 20 millions de dollars proposés par le G7 pour combattre les incendies, en conseillant au président français de s’occuper « de sa maison et de ses colonies ».
« Question familiale »
Mardi, le général Augusto Heleno, important membre du gouvernement en tant que chef des services de sécurité, a tancé cette « France qui n’a de leçon à donner à personne » car « partout où (les Français) sont passés, ils ont laissé une traînée de destruction, de confusion et de misère ».
Lundi M. Macron avait qualifié de « propos extraordinairement irrespectueux à l’égard de (son) épouse » un commentaire de Jair Bolsonaro à un post sur Facebook.
Interrogé mardi, M. Bolsonaro a confirmé avoir mis lui-même le commentaire endossant ce post qui montrait Brigitte Macron sur une photo très désavantageuse. Mais il a refusé d’aborder une « question familiale » et a menacé de couper court à sa rencontre avec les journalistes s’« ils insistaient ».
L’écrivain brésilien Paulo Coelho a demandé pardon à la France après les attaques de Jair Bolsonaro, comme de nombreux internautes au Brésil, qui exprimaient leur honte, sous le mot-clé #DisculpaBrigitte (Pardon, Brigitte). « Pardonnez-moi, pardonnez-moi mille fois », a-t-il dit dans une vidéo sur Twitter.
« Nous voudrions une Première dame comme vous : élégante, intelligente et qui fasse réellement quelque chose d’utile pour son pays », écrivait @4fraquejada. « Mais nous avons l’épouse-trophée d’un vieil idiot qui ne sait pas tenir sa langue ».
Toutefois le président d’extrême droite bénéficiait dans ses empoignades avec Paris du soutien inconditionnel de la sphère bolsonariste.
Réunion régionale
Le Pérou et la Colombie ont proposé aux pays de la région amazonienne une réunion d’urgence le 6 septembre, à Leticia (ville située dans l’extrême sud de la Colombie, et frontalière du Pérou et du Brésil), afin de coordonner les mesures de protection de la plus vaste forêt tropicale du monde, qui outre le Brésil et ces deux pays s’étend aussi en Bolivie, Équateur, Guyane française, Guyana, Suriname et Venezuela.
Brasilia a répondu favorablement à cette proposition. « Oui, (M. Bolsonaro) participera à ces activités. La coopération sud-américaine est essentielle dans ce combat », a dit le porte-parole de la présidence, Rego Barros.
Sur le terrain, les feux ont encore progressé lundi. Quelque 1 659 nouveaux départs de feu ont été recensés au Brésil par l’Institut national de recherche spatiale (INPE) en 24 heures, plus de la moitié en Amazonie.
À Porto Velho, capitale de l’État amazonien de Rondônia, un peu de pluie a quelque peu dissipé les fumées, qui ont conduit de nombreux habitants à consulter pour difficultés respiratoires.
Près de 2 500 hommes et une quinzaine d’avions, dont deux bombardiers d’eau C-130 Hercules étaient mobilisés en Amazonie contre ces feux touchant aussi gravement la Bolivie frontalière du président Evo Morales.
Ce dernier a salué mardi l’aide d’urgence du G7, tout en qualifiant la contribution de « toute petite ».