Irak: 14 morts et des dizaines de blessés dans des manifestations
La contestation antigouvernementale a repris en Irak, avec des violences faisant vendredi 14 morts à Bagdad et dans le sud du pays, où les protestataires s’en sont pris aux institutions, partis et groupes armés.
Après la mort de plus de 150 personnes en une semaine début octobre, principalement des manifestants qui réclamaient «la chute du régime» dans la capitale, les protestataires ont tourné vendredi leur colère contre les institutions publiques et les QG de partis politiques et de factions armées.
Dans le sud du pays, ils ont incendié ou saccagé deux sièges de gouvernorat, à Nassiriya et Diwaniya, une quinzaine de sièges de partis politiques ou de groupes armés membres de la puissante coalition des paramilitaires du Hachd al-Chaabi, premier allié du gouvernement d’Adel Abdel Mahdi.
À la mi-journée, le grand ayatollah Ali Sistani, plus haute autorité religieuse chiite d’Irak, avait appelé les forces de sécurité et les manifestants à la «retenue» pour éviter le «chaos».
Mais au cours de la journée, 10 manifestants ont été tués par balles alors qu’ils s’en prenaient à des QG d’Assaïb Ahl al-Haq – l’une des factions les plus puissantes du Hachd – à Amara et Nassiriya, dans le sud, selon des sources médicales et policières. Deux autres manifestants ont péri dans l’incendie du siège d’un parti à Samawa, également dans le sud.
Le matin, deux manifestants ont été tués à Bagdad, touchés mortellement par des grenades lacrymogènes et assourdissantes, alors que les rassemblements se poursuivent dans la plupart des villes du sud et sur l’emblématique place Tahrir à Bagdad.
À Bagdad, les forces de sécurité ont tiré des barrages de grenades lacrymogènes et assourdissantes pour repousser vers la place Tahrir les manifestants qui ont tenté d’entrer dans la Zone verte non loin, où siègent le pouvoir irakien et l’ambassade des États-Unis. Des centaines de personnes ont été blessées.
En fin de journée, des milliers de manifestants sont toujours rassemblés sur Tahrir, tandis que des heurts limités se poursuivent sur le pont al-Joumhouriya adjacent, qui mène à la Zone verte.
Le grand ayatollah Sistani a de nouveau appelé à des réformes et à la fin de la corruption, l’une des revendications premières des manifestants. Il n’a néanmoins pas indiqué, comme il l’a déjà fait par le passé avec d’autres premiers ministres, qu’il se désolidarisait du premier ministre Adel Abdel Mahdi.
C’est pourtant M. Abdel Mahdi, entré en fonctions il y a un an jour pour jour, que la rue tient vendredi pour responsable de ses maux, comme l’ensemble de la classe politique d’Irak, 12e pays le plus corrompu au monde.
«Adel Abdel Mahdi nous ment», ont crié des manifestants, après un nouveau discours dans la nuit durant lequel il a annoncé des mesures sociales et réformes législatives sans proposer des changements radicaux réclamés par la contestation : une nouvelle Constitution et une classe politique renouvelée.
C’est sur la place Tahrir que le mouvement de contestation a repris jeudi soir après de nouveaux appels à manifester relayés sur les réseaux sociaux.
La prochaine étape de l’escalade redoutée est l’arrivée dans la rue des nombreux partisans du turbulent leader chiite Moqtada Sadr. En 2016, ces derniers avaient occupé les institutions du pays dans la Zone verte.
Déclenchées spontanément le 1er octobre par des appels sur les réseaux sociaux, les manifestations avaient été marquées jusqu’au 6 octobre par la mort de 157 personnes, selon le bilan officiel.
Ce mouvement spontané est le premier du genre en Irak, riche pays pétrolier en pénurie chronique d’électricité et d’eau potable.