Kaïs Saïed: Une élection présidentielle sera organisée en Tunisie le 6 octobre
Une élection présidentielle sera organisée en Tunisie le 6 octobre 2024, a annoncé mardi 2 juillet le chef de l’État Kaïs Saïed, au pouvoir depuis 2019 et dont le mandat de cinq ans touche à sa fin. Le président est accusé depuis plusieurs années d’une dérive autoritaire et le doute a longtemps plané sur la date de ce nouveau scrutin, depuis l’adoption de la nouvelle constitution de 2022 et de la loi électorale.
Le président de la République a émis un décret ce jour, le 2 juillet 2024, convoquant les électeurs pour une élection présidentielle le dimanche 6 octobre 2024, a indiqué la présidence dans un communiqué. Kaïs Saïed, 66 ans, qui s’est octroyé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021 faisant vaciller la jeune démocratie tunisienne née de la première révolte du Printemps arabe, n’a pas annoncé s’il briguerait un nouveau mandat.
Kaïs Saïed doit prochainement faire publier la loi électorale qui donnera les critères d’éligibilité des candidats. Spécialiste de la Constitution, élu démocratiquement en octobre 2019, Kaïs Saïed a fait adopter une nouvelle Constitution par référendum à l’été 2022 instituant un nouveau système de deux chambres aux pouvoirs très limités : l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) et un Conseil national des régions et des districts.
Cette révision constitutionnelle a fait passer la Tunisie d’un régime parlementaire à un système ultra-présidentialiste qui consacre selon ses détracteurs la dérive autoritaire de Kaïs Saïed. Depuis son coup de force, Kaïs Saïed dirige le pays par décrets. À plusieurs reprises ces derniers mois, le président a ordonné le limogeage de divers ministres et hauts fonctionnaires.
Ils sont pour le moment seize candidats potentiels sur la ligne de départ. Mais le président Kaïs Saïed part avec une bonne longueur d’avance, rapporte notre correspondant à Tunis, Mathieu Galtier. Ses partisans mettent en avant la popularité du chef de l’État, élu en 2019 sous le slogan « ce que le peuple veut ». Les opposants de Kaïs Saïed reconnaissent leur retard, mais pour d’autres raisons.
Depuis février dernier, une vingtaine d’opposants et personnalités ont été emprisonnés et sont « accusés de complot contre la sûreté de l’État » et le président tunisien les a qualifiés de « terroristes ». Les principaux opposants ont été emprisonnés, notamment le chef du parti islamo-conservateur Ennahdha, qui a dominé les coalitions des dix années qui ont suivi la révolution démocratique de 2011 contre la dictature de Ben, Rached Ghannouchi, et la présidente du Parti destourien libre, Abir Moussi, nostalgique des dictatures du héros de l’indépendance Habib Bourguiba et de Zine El Abidine Ben Ali, renversé lors du printemps arabe en janvier 2011.
Des ONG dont Amnesty International ont dénoncé « une chasse aux sorcières motivée par des considérations politiques ».
La grave crise politique que traverse la Tunisie depuis le coup de force de Kaïs Saïed se double de graves difficultés économiques avec une croissance poussive d’environ 2%, un taux de pauvreté en hausse (4 millions de Tunisiens sur 12 millions d’habitants) et un chômage très élevé de 15%.
La Tunisie est, avec la Libye, l’un des principaux points de départ des migrants qui risquent des traversées périlleuses en mer Méditerranée dans l’espoir de rejoindre l’Europe. Depuis un discours aux accents xénophobes du président Saïed en février 2023, des milliers de ressortissants d’Afrique subsaharienne séjournant illégalement en Tunisie ont perdu leur logement et leur travail, le plus souvent informel.
En mai, le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme a dénoncé vendredi « l’intimidation et le harcèlement » dont sont victimes en Tunisie des avocats et membres des médias critiques du gouvernement et de ses politiques migratoires.