La Cour européenne des droits de l’homme envisage d’arrêter le leader kurde Salaheddin Demirtas en Turquie

La CEDH s’est penchée mercredi sur le cas du leader kurde Selahattin Demirtas, accusé par la Turquie de propagande terroriste et placé en détention provisoire, une affaire emblématique pour ses partisans de l’instrumentalisation de la justice par Ankara pour étouffer l’opposition.

Les 17 juges de la Cour européenne des droits de l’Homme qui ont siégé lors de cette audience de Grande chambre, leur formation suprême, rendront leur arrêt dans les prochains mois, tandis que le procès de M. Demirtas en Turquie doit se dérouler le 7 janvier.

Ancien coprésident du Parti démocratique des peuples (HDP), dont il reste l’une des figures de proue, et député de 2007 à 2018, il est accusé par Ankara de diriger une « organisation terroriste », de « propagande terroriste » et d' »incitation à commettre des crimes ».

« Le gouvernement poursuivait un objectif politique qui s’est cristallisé en 2015″, a plaidé l’un de ses avocats, Mme Benan Molu, soulignant qu' »immédiatement après les élections (législatives de juin 2015, auxquelles le HDP a obtenu 13% des voix, NDLR), M. Demirtas a été qualifié de terroriste ». « On dit qu’il prenait des instructions du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), mais il n’y a pas le moindre élément de preuve directe qu’il dirigeait une organisation terroriste », a-t-elle insisté. « Il condamne du bout des lèvres les actes de violences et en même temps, il appelle à la résistance par tous les moyens possibles », a répliqué le directeur du département des droits de l’Homme du ministère turc de la Justice, Haci Ali Acikgül.

Intervenant en tant que tierce partie, la commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe Dunja Mijatovic a décrit une « situation où la détention provisoire, de fait, devient un instrument de sanction » en Turquie, pays marqué par « un climat de répression qui affecte l’opposition démocratique, particulièrement le parti du requérant ».

Un tribunal turc a ordonné début septembre la remise en liberté provisoire de M. Demirtas dans le cadre de son principal procès, mais il n’était « pas clair dans l’immédiat » quand il serait libéré de la prison d’Edirne (nord-ouest), selon l’un de ses avocats, Ramazan Demir.

Il a en effet déjà été condamné en appel le 4 décembre 2018 à une peine de quatre ans et huit mois de prison pour « propagande terroriste ».

Le 20 novembre, la CEDH avait condamné la Turquie et l’avait sommée de mettre fin « dans les plus brefs délais » à la détention provisoire de M. Demirtas. Dans son arrêt de chambre, elle estimait que le député avait été arrêté pour des « raisons plausibles » mais que les motifs invoqués pour expliquer la durée de sa détention n’étaient pas « suffisants ».

Les juges avaient qualifié sa détention provisoire d' »atteinte injustifiée à la libre expression de l’opinion du peuple » et souligné qu’elle l’avait empêché de participer à deux « campagnes électorales critiques », celle du référendum constitutionnel et de la présidentielle.

A l’issue de cet arrêt, le gouvernement turc et M. Demirtas avaient tous deux saisi la Grande chambre de la CEDH.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui accuse régulièrement le HDP d’être la vitrine politique du PKK, classé « terroriste » par Ankara et ses alliés occidentaux, avait rapidement balayé la première décision de la CEDH, assurant qu’elle n’était pas contraignante pour Ankara.

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