la Turquie s’apprête à l’offensive le monde met en garde contre le pire
Il faut « se préparer au pire » a regretté l’ONU après le début du retrait des troupes américaines dans le nord de la Syrie au moment où la Turquie s’apprête à passer à l’offensive.
« Nous ne savons ce qui va se passer. Nous nous préparons au pire », déplore le coordinateur humanitaire de l’ONU pour la Syrie. Le désengagement des États-Unis dans le nord de la Syrie, alors que la Turquie entend y mener une offensive prévue de longue date, a suscité une vive inquiétude aux Nations-Unies.
Dimanche, la Maison Blanche a annoncé que « les forces américaines ne vont pas soutenir ou être impliquées » dans l' »opération prévue de longue date dans le nord de la Syrie ». Une déclaration qui s’est matérialisée ce lundi par le début du retrait des troupes déployées dans les secteurs proches de la frontière turque. Sur Twitter, Donald Trump a réagi ce lundi, expliquant que, désormais, les États-Unis ne se battraient que là où ils en tirent « un avantage » et « ne se battraient que pour gagner ».
L’ONU a un plan d’urgence pour répondre à de nouvelles souffrances des civils, mais « espère qu’il ne sera pas utilisé », a ajouté Panos Moumtzis. Une crainte également partagée par l’Union Européenne qui a affirmé que « toute reprise des hostilités exacerbera les souffrances du peuple syrien, entraînera des déplacements de populations et sapera les efforts politiques engagés pour résoudre ce conflit ». « Nous exhortons à une cessation des hostilités pour garantir la protection des civils et l’accès des organisations humanitaires sur l’ensemble du territoire », a déclaré une porte-parole de la diplomatie européenne.
Elle a également annoncé que « les ministres des Affaires étrangères de l’UE ont inscrit cette crise à l’ordre du jour de leur réunion lundi prochain à Luxembourg ». « Nous reconnaissons les inquiétudes légitimes de la Turquie pour sa sécurité, mais nous avons toujours dit que toute solution durable à ce conflit ne se réalisera pas par des moyens militaires », a-t-elle, enfin, rappelé.
Panos Moumtzis a affirmé clairement que son bureau n’avait pas été prévenu de la décision de Washington d’abandonner ses anciens alliés kurdes dans la lutte contre les terroristes de l’État islamique en Syrie. Après s’être opposés longtemps à une telle offensive, les États-Unis ont opéré un revirement en annonçant dimanche leur retrait de régions où se trouvent des forces kurdes syriennes ciblées par la Turquie, et jusqu’alors soutenues par Washington.
Cette annonce fait suite aux propos d’Ankara, la semaine dernière, qui a affirmé que la Turquie arrivait à bout de sa patience vis-à-vis des États-Unis au sujet de la création d’une « zone de sécurité » dans le nord de la Syrie. Cette zone tampon, prévue par un accord entre les deux pays conclu en août, devait être créée entre la frontière turque et les régions syriennes. Celles-ci sont contrôlées par la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), principale composante des Forces démocratiques syriennes (FDS), mais qui est considérée comme une organisation « terroriste » par la Turquie.
Cette dernière voit donc d’un mauvais oeil le projet d’autonomie à sa frontière, par crainte qu’un noyau d’État kurde n’encourage les velléités séparatistes kurdes sur son propre sol. Outre éloigner les YPG de sa frontière, Erdogan espère pouvoir utiliser cette « zone de sécurité » pour y renvoyer jusqu’à 2 des 3,6 millions de réfugiés syriens que la Turquie accueille.
L’offensive turque au centre des craintes de l’ONU et de l’UE pourrait être lancée à tout moment, a indiqué le président turc ce lundi. « On pourrait entrer n’importe quelle nuit sans prévenir », a-t-il déclaré. Son chef de la diplomatie Mevlüt Cavusoglu a, lui, ajouté que son pays était déterminé à « nettoyer » le nord de la Syrie des « terroristes » qui menacent sa sécurité, en allusion aux forces kurdes. Deux précédentes offensives turques ont été menées en 2016 et 2018 dans cette même partie du pays, la première contre l’État islamique et la deuxième contre les YPG.
De leur côté, les Forces démocratiques syriennes ont averti qu’en cas d’opération turque, les chefs de l’EI encore en vie pourraient sortir de « leur cachette », notamment dans le désert. Cela menacerait aussi les prisons et les camps gérés par les FDS et qui abritent de nombreux terroristes et leurs familles. Dans leur communiqué, elles ont souligné que 11 000 combattants kurdes avaient été tués en cinq ans de guerre pour éliminer le « califat » de l’EI, qui avait été proclamé en 2014 sur de vastes territoires à cheval entre la Syrie et l’Irak. Mais la Turquie a répondu qu’elle « ne laissera pas » l’EI revenir bien que selon un rapport du Pentagone, l’organisation terroriste soit en train de « resurgir » en Syrie.
Les Kurdes avaient déjà dénoncé l’annonce fin 2018 du président américain Donald Trump de retirer ses troupes de Syrie et prévenu maintes fois qu’ils ne pourraient mener à bien leur lutte contre les terroristes s’ils devaient combattre la Turquie. « Nous sommes déterminés à défendre notre terre à tout prix », ont néanmoins assuré les Forces démocratiques syriennes.