Le Premier ministre grec : L’Europe doit se préparer d’une nouvelle vague de migrants
« L’Europe doit se préparer à l’éventualité d’une nouvelle vague de migrants », a prévenu mercredi le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis, à la veille d’un conseil européen tendu, avec l’offensive de la Turquie en Syrie et les menaces du président turc d’envoyer plus de trois millions de réfugiés en Europe.
Cent jours après avoir pris ses fonctions, M. Mitsotakis, dont le pays est redevenu cette année la principale porte d’entrée des migrants en Europe, a déclaré, dans un entretien , que « l’incursion » turque en Syrie engendrait « un nouveau pôle d’instabilité qui peut créer une nouvelle pression migratoire ».
Interrogé sur la menace du président turc Recep Tayyip Erdogan d' »ouvrir les portes » aux 3,6 millions de migrants présents dans son pays, en réponse aux critiques européennes de son offensive en Syrie, le Premier ministre grec a jugé « inacceptable » que « l’Europe puisse faire l’objet d’un (tel) chantage ».
« Nous traversons une phase de grandes turbulences et nous devons arrêter la tempête », a-t-il averti, estimant que la mise à exécution d’une telle menace détériorerait encore les relations UE-Turquie.
« Le comportement d’Ankara rend la gestion du problème migratoire encore plus compliquée », a déploré M. Mitsotakis, « l’UE a été généreuse avec la Turquie (aux termes de l’accord de mars 2016 sur le contrôle des flux migratoires, ndlr), je ne pense pas que la Turquie le reconnaisse pleinement ».
Il a également plaidé pour un cadre « plus concret » de sanctions européennes à l’égard de la Turquie pour ses activités « illégales » de forage dans la zone économique exclusive (ZEE) chypriote, jugeant ce dossier « évidemment séparé mais relié » à celui de l’intervention militaire turque en Syrie.
Pour M. Mitsotakis, la question migratoire « est la plus difficile aujourd’hui » car la Grèce ne peut la « contrôler » : « nous sommes un pilier de stabilité dans une région instable, nous ne pouvons changer la géographie » mais « nous avons besoin de plus de soutien de l’Europe », a-t-il exhorté.
Au cours de son « premier » conseil européen, jeudi et vendredi à Bruxelles, le dirigeant du parti de droite Nouvelle Démocratie, qui a succédé en juillet à Alexis Tsipras (gauche), a promis de « soulever la question du partage du fardeau » migratoire; « on ne peut pas l’éviter », a-t-il dit, « la Grèce ne peut pas gérer ce problème toute seule ».
Avec plus de 70.000 demandeurs d’asile en Grèce, dont près de 33.000 sur les îles égéennes proches de la Turquie, M. Mitsotakis a qualifié d' »inacceptable l’approche de plusieurs pays membres (de l’UE) qui considèrent que ce n’est pas du tout leur problème ».
« Il doit y avoir des conséquences pour ceux qui choisissent de ne pas participer à cet exercice de solidarité européenne », a-t-il estimé.
Devant le parlement grec, le chef du gouvernement a récemment prévenu qu’il demanderait des « sanctions spécifiques » à l’encontre de ces Etats, sans les citer.
« Nous avons entre 3.000 et 4.000 mineurs non accompagnés en Grèce, ce ne serait pas très difficile pour les pays européens de prendre une partie du fardeau », a-t-il plaidé.
« Si vous regardez juste le nombre (des migrants) qui ont traversé la mer Egée cet été en comparaison avec l’été dernier, nous sommes confrontés au problème dans de graves proportions », a ajouté M. Mitsotakis.
En 2019, plus de 46.000 migrants sont arrivés en Grèce, selon le HCR, plus qu’en Espagne, en Italie, à Malte et à Chypre réunis.
Même si l’on est encore loin du million de réfugiés échoués sur son sol en 2015, cet afflux relance la question de l’accueil des migrants en Grèce. Les camps déjà surpeuplés des îles égéennes ne pourraient supporter un nouveau déferlement migratoire provoqué par l’offensive turque en Syrie.
Craignant que son pays ne soit à nouveau le plus exposé, M. Mitsotakis a réclamé des « technologies » pour identifier les bateaux chargés de migrants avant qu’ils ne quittent les côtes turques ou encore un renforcement de Frontex, l’agence européenne de contrôle aux frontières, et une réflexion sur ce que cet organisme peut « faire ou ne pas faire » en mer Egée.
Athènes a déjà prévu de faire retourner en Turquie quelque 10.000 migrants d’ici à 2020.
« Quand quelqu’un n’est pas éligible pour l’asile, alors il ou elle doit être renvoyé(e) en Turquie »,comme l’autorise l’accord UE-Ankara de mars 2016, a averti le Premier ministre grec.