le président chilien a exclu de démissionner, malgré l’escalade du crise sociale
Malgré trois semaines de crise sociale ayant fait 20 morts, le président chilien Piñera a exclu, mardi, de démissionner, même s’il reconnaît être « responsable d’une partie des problèmes » du pays.
Il reconnaît qu’il est « responsable d’une partie » des « problèmes qui se sont accumulés depuis 30 ans » mais exclut de démissionner : pour la troisième semaine de contestation au Chili, le président Piñera s’est dit ouvert à la discussion et n’écarte pas une réforme de la Constitution.
Dix-huit jours après le début d’une fronde sociale inédite qui a fait 20 morts dans ce pays considéré jusqu’à récemment comme un des plus stables d’Amérique latine, la mobilisation ne faiblit pas.
Des milliers de personnes se sont rassemblées mardi dans la capitale, et dans les villes de Concepcion (sud) et de Vina del Mar, à une centaine de kilomètres de Santiago. Deux étudiantes ont été légèrement blessées à Santiago par des tirs de la police, qui intervenait dans un lycée public.
Cible de nombreuses critiques, le chef de l’État, qui gardait le silence depuis plusieurs jours, a balayé l’éventualité d’une démission, que réclament de nombreux opposants. « J’irai jusqu’à la fin de mon mandat. J’ai été élu démocratiquement, par une large majorité de Chiliens, j’ai un devoir et un engagement envers mes électeurs et envers tous les Chiliens », a affirmé Sebastian Piñera sur la BBC.
Après avoir commencé par réprimer la crise sociale, décrétant l’état d’urgence, faisant appel aux militaires et instaurant un couvre-feu, le président chilien s’est dit mardi pour la première fois ouvert au dialogue. Les manifestations quotidiennes ont été émaillées d’échauffourées, de pillages et d’accusations de violences policières.
« Nous sommes disposés à discuter de tous les sujets, y compris une réforme de la Constitution », a-t-il déclaré après plusieurs jours sans annonce, un fait inhabituel pour ce dirigeant hyperactif et omniprésent.
Approuvée en 1980 lors d’un référendum polémique sous la dictature, la Constitution a été rédigée pour garantir au régime d’Augusto Pinochet et aux partis conservateurs de conserver leur pouvoir, même une fois la dictature terminée en 1990.
Mardi, le président, ancien homme d’affaires milliardaire, encore impuissant à calmer la colère de son peuple, a annoncé une série de mesures pour les petites et moyennes entreprises affectées par la crise. Les 6.800 entreprises concernées par les destructions, pillages et incendies depuis le début de la crise, devront bénéficier d’aides financières, d’assouplissements dans les paiements et de réductions d’impôts.
La crise a également affecté le peso qui a perdu mardi 1,8 % – à 749 pesos pour un dollar – sa plus faible valeur depuis 2003. Selon un sondage de l’institut Criteria, 79 % des Chiliens pensent en revanche que les manifestations « auront des conséquences positives ».
Le président chilien avait dû annoncer mercredi l’annulation du sommet de l’Apec (forum de coopération économique Asie-Pacifique) qui devait se tenir à Santiago les 16 et 17 novembre, et de la conférence de l’ONU sur le climat COP 25, également prévue dans la capitale en décembre.
Ces deux événements auraient dû permettre au Chili et à son président, qui rêvait d’une poignée de main avec son homologue américain Donald Trump, de briller sur la scène internationale.
Nouvel accroc mardi : la Conmebol a annoncé le déplacement à Lima au Pérou de la finale de la Copa Libertadores de football, initialement prévue le 23 novembre à Santiago entre River Plate et Flamengo.
Sebastian Piñera, qui a dégringolé dans les sondages et affiche la popularité la plus basse depuis le retour de la démocratie en 1990, a concédé des erreurs et formulé des éléments d’autocritique.
« Nous n’avons pas écouté avec suffisamment d’attention, nous n’avons pas compris clairement le message. Et ceci n’est pas une critique dirigée uniquement envers le gouvernement », a-t-il expliqué, parlant de « problèmes accumulés ces 30 dernières années ». « J’assume ma responsabilité, mais je ne suis pas le seul », a-t-il ajouté, précisant qu’il pensait « augmenter les ressources » financières et « améliorer la qualité des politiques sociales».
Lundi, les rassemblements en divers endroits de Santiago et d’autres villes, comme Valparaiso et Viña del Mar, ont donné lieu à de violentes altercations entre manifestants et forces de l’ordre.
La crise sociale a commencé le 18 octobre après l’annonce d’une augmentation du ticket de métro, qui a été depuis annulée sans faire retomber la colère populaire.
Révoltés par les inégalités sociales et une élite politique jugée totalement déconnectée du quotidien de la grande majorité des Chiliens, les manifestants réclament notamment une réforme du système de retraites et une révision de la Constitution, tous deux hérités de la période de la dictature d’Augusto Pinochet (1973-1990), ainsi que de profondes réformes du modèle économique ultralibéral chilien.