Le président Erdogan confirme que le GNA lui a demandé une aide militaire
Le président Erdogan a annoncé qu’Ankara déploiera des troupes turques en Libye, Soulignant que le Gouvernement d’accord national (GNA) basé à Tripoli a demandé un soutien militaire.
L’envoi d’unités militaires turques dans ce pays d’Afrique du Nord déchiré par la guerre menace d’exacerber une tension de plus en plus complexe et croissante entre Ankara, Moscou et Washington.
Le GNA, dirigé par le Premier ministre Fayez al-Sarraj, est assiégé par l’«Armée nationale libyenne» du général Khalifa Haftar, qui est liée à un gouvernement rival basé dans la ville portuaire de Tobrouk, dans l’est de la Libye. La Turquie et le GNA ont signé le mois dernier des accords couvrant l’aide militaire et la délimitation des frontières maritimes que le gouvernement Erdogan invoque pour revendiquer l’exclusivité des vastes réserves de gaz et de pétrole sous la Méditerranée orientale.
«Comme il y a une invitation [de la Libye] en ce moment, nous allons l’accepter», a déclaré M. Erdogan lors d’une réunion de son parti au pouvoir, le Parti de la justice et du développement (AKP). «Sur la base de notre mémorandum d’accord sur la coopération sécuritaire et militaire, nous soumettrons une motion pour le déploiement des troupes au parlement en tant que premier point après la réouverture de celui-ci.»
La menace d’Erdogan d’envoyer des troupes en Libye fait partie d’une politique de plus en plus belliqueuse par laquelle Ankara a cherché à faire avancer les intérêts de la bourgeoisie turque tout en alimentant le nationalisme comme moyen de détourner vers l’extérieur les tensions de classe croissantes de la Turquie.
Les relations de la Turquie avec la Libye remontent à l’Empire ottoman, qui a gouverné le territoire du 16ème siècle jusqu’à la guerre de conquête coloniale italienne de 1911-12, dans laquelle Mustafa Kemal Ataturk, qui allait fonder la République de Turquie une décennie plus tard, a servi comme volontaire pour combattre les Italiens. Le régime actuel du GNA à Tripoli serait politiquement aligné sur les Frères musulmans, ce qui lui vaut la sympathie politique de la Turquie .
L’armée nationale libyenne de Haftar a accusé les services de renseignement turcs d’avoir fait entrer en Libye, via la Tunisie, des combattants de l’ancienne filiale syrienne d’Al-Qaïda, le Front al-Nusra, pour soutenir le GNA. Le président Erdogan a effectué une visite en Tunisie mercredi, consolidant une alliance de soutien au gouvernement de Tripoli, tout en publiant une déclaration commune en faveur d’un cessez-le-feu.
Le déploiement de troupes turques en Libye a le potentiel de déclencher un affrontement avec la Russie, qui soutient Haftar. Le gouvernement d’Erdogan a accusé les mercenaires de l’entreprise de sécurité Wagner liée au Kremlin d’être sur le terrain pour soutenir les forces de Haftar, une accusation que Moscou a démentie.
L’accord entre le gouvernement d’Erdogan et le régime du GNA à Tripoli a également de profondes implications pour une crise de plus en plus aiguë en Méditerranée orientale, où la dévastation causée par des décennies d’interventions militaires américaines au Moyen-Orient menace de déborder sur un conflit impliquant toutes les grandes puissances.
Le mémorandum signé entre Ankara et l’Assemblée nationale libyenne revendique de vastes étendues de la Méditerranée orientale comme zone économique exclusive (ZEE), y compris les eaux au large de Chypre, de l’île grecque de Crète et de l’Égypte, ainsi que des réserves de pétrole et de gaz naturel en mer dont la valeur est estimée à plusieurs centaines de milliards de dollars.
Washington a répondu aux revendications de la Turquie par un changement marqué de soutien à la Grèce et à Chypre, où il a levé un embargo sur les armes vieux de plusieurs décennies.
Les guerres en Syrie et en Libye, combinées à la lutte pour le contrôle des réserves énergétiques de la Méditerranée orientale, créent une situation de plus en plus instable qui menace de déclencher un conflit militaire à l’échelle régionale et même mondiale.