Le résultat de l’agression turque contre la Syrie
La Turquie a lancé mercredi, comme elle s’y était engagée, l’agression turque contre les forces kurdes du nord-est de la Syrie, alliées des Occidentaux dans la lutte antijihadistes, suscitant une volée de critiques internationales et des menaces de sanctions américaines.
Mercredi, des régions voisines de la Turquie, notamment les zones de Tal Abyad et de Ras al-Aïn, ont été bombardées par l’aviation et l’artillerie turques. Le ministère turc de la Défense a annoncé en soirée que des militaires turcs et leurs supplétifs syriens avaient pénétré en Syrie, marquant le début de la phase terrestre de l’opération.
« Les forces aériennes et l’artillerie ont jusqu’ici frappé 181 cibles appartenant au groupe terroriste », a précisé le ministère sur Twitter vers 21h00 GMT.
Les Forces démocratiques syriennes (FDS), dominées par les Kurdes des Unités de protection du peuple (YPG), ont affirmé de leur côté mercredi soir avoir « repoussé » l’agression turque, dont l’objectif est d’éloigner de la frontière les YPG.
L’assaut turc a d’ores et déjà fait 15 morts dont 8 civils, a annoncé l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH), ajoutant que des « milliers de déplacés » fuient les zones bombardées.
Le président américain Donald Trump a estimé que l’opération d’Ankara était « une mauvaise idée », tout en espérant que son homologue turc Recep Tayyip Erdogan agisse de manière « rationnelle » et aussi « humaine » que possible. En début de semaine, c’est pourtant le retrait des troupes américaines de secteurs frontaliers en Syrie et les déclarations contradictoires de la Maison blanche qui ont ouvert la voie à l’agression .
Deux sénateurs démocrate et républicain ont dévoilé mercredi une proposition visant à sanctionner très sévèrement la Turquie si elle ne retire pas son armée. Ce projet imposerait au gouvernement de Donald Trump de geler les biens aux Etats-Unis des plus hauts dirigeants turcs, imposerait des sanctions à toute entité étrangère qui vendrait des armes à Ankara, et viserait aussi le secteur énergétique turc.
L’agression turque, qui a provoqué un tollé international, sera au centre d’une réunion en urgence du Conseil de sécurité de l’ONU jeudi.
A Ras al-Aïn, un correspondant de l’AFP a entendu une forte explosion et vu s’élever de la fumée tout près de la frontière, ajoutant que des avions survolaient le secteur. Des tirs d’artillerie visent en continu la ville, provoquant la fuite de dizaines de civils à bord de motos et voitures, partant même à pied, chargés de valises et de sacs, a-t-il constaté.
Equipés de lance-roquettes, des combattants des Forces démocratiques syriennes (FDS), une alliance de combattants kurdes et arabes dominée par les YPG, se sont déployés dans la ville .
Les médias turcs ont rapporté que huit projectiles tirés par les YPG étaient tombés sur les villes turques frontalières d’Akçakale et de Nusaybin, sans faire de victime.
L’agression de la Turquie est la troisième en Syrie depuis 2016. Elle ouvre un nouveau front dans un conflit qui a fait plus de 370.000 morts et des millions de déplacés depuis 2011.
« Les Forces armées turques et l’Armée nationale syrienne (ANS, une coalition financée et entraînée par la Turquie soutenus par Ankara, ndlr) ont débuté l’opération « Source de paix » dans le nord de la Syrie », a annoncé M. Erdogan sur Twitter.
Au moins 18.000 combattants syriens supplétifs d’Ankara – faisant partie de factions regroupées au sein de l’ANS – ont été mobilisés pour participer à l’agression , a affirmé mercredi un de leurs porte-parole.
L’agression turque doit permettre la création d’une « zone de sécurité » destinée à séparer la frontière turque des positions kurdes et accueillir des réfugiés, a dit M. Erdogan. Le ministère turc de la Défense a assuré que tout était fait pour éviter les pertes civiles.
Les YPG sont considérées par Ankara comme une organisation « terroriste », pour leurs liens avec le Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK).
Quelques heures avant le début de l’agression , les Kurdes de Syrie, confrontés aux atermoiements de leur allié américain, avaient décrété une « mobilisation générale », tout en appelant Moscou à intervenir pour faciliter un dialogue avec Damas.
Amnesty International a souligné qu' »à la fois les forces turques et kurdes » avaient, « dans le passé, mené des attaques aveugles en Syrie » ayant « fait de nombreuses victimes parmi les civils ». L’ONG a exhorté à faire en sorte que « cela ne se reproduise pas ».