Le Sénat continue de travailler sur les sanctions contre la Turquie
Un proche allié de Donald Trump au Sénat présente jeudi, avec un démocrate, un projet de sanctions « dévastatrices » contre la Turquie, signe de la fronde provoquée dans les rangs républicains par la décision du président américain de retirer ses troupes de Syrie.
Ce texte arrive au lendemain du vote à une très large majorité, à la Chambre des représentants, d’une résolution condamnant le choix du président américain — « la plus grosse erreur de sa présidence », a lâché son ami Lindsey Graham, co-auteur de la proposition de sanctions présentée jeudi avec le sénateur démocrate Chris Van Hollen.
Dans un sévère camouflet pour le président, près des deux tiers des républicains de la chambre basse ont approuvée la résolution. Elle pourrait être votée au Sénat prochainement, mais elle est avant tout symbolique car non-contraignante, contrairement au texte de jeudi à la mi-journée. Il prévoit lui des « sanctions infernales », « de grande ampleur, draconiennes et dévastatrices » contre l’économie et l’armée turques, selon le sénateur Graham.
Sa présentation coïncide avec la mission du vice-président des Etats-Unis Mike Pence à Ankara pour tenter d’arracher un cessez-le-feu au président turc Recep Tayyip Erdogan.
D’ordinaire farouche défenseur de Donald Trump, Lindsey Graham ne décolère pas depuis que l’ex-homme d’affaires a semblé donné son feu vert, le 6 octobre, à l’opération turque contre les forces kurdes en Syrie. Il l’accuse d’avoir « honteusement abandonné » les Kurdes, pourtant alliés de Washington dans la lutte contre le groupe jihadiste Etat islamique (EI).
Les deux hommes ont donné voix mercredi à leur dispute en public.
Donald Trump « aura du sang sur les mains s’il abandonne les Kurdes, parce que l’EI reviendra », a tonné le sénateur.
« Lindsey Graham voudrait rester au Proche-Orient pendant les mille prochaines années avec des milliers de soldats combattant pour les guerres d’autres gens », a réagi le président américain.
Aucune date n’a encore été fixée pour un vote sur cette proposition de loi au Sénat, mais le chef de la majorité républicaine Mitch McConnell, qui a l’autorité d’en décider, s’est aussi montré critique de Donald Trump. Il a même appelé à l’adoption d’une résolution encore plus sévère que celle adoptée par la Chambre.
Aprèes l’étape du Sénat, le texte de MM. Graham et Van Hollen devrait ensuite être adopté par la Chambre des représentants dominée par les démocrates. Le large consensus au sein des élus suggère qu’ils pourraient disposer d’une majorité suffisante pour passer outre un éventuel veto présidentiel.
Ces sanctions imposeraient à l’administration Trump de geler les avoirs aux Etats-Unis des plus hauts dirigeants turcs, y compris du président Erdogan et ses ministres des Affaires étrangères, de la Défense, des Finances, du Commerce et de l’Energie.
Les mesures punitives viseraient aussi toute entité étrangère qui vendrait des armes à Ankara ainsi que le secteur énergétique turc.
Les sénateurs proposent par ailleurs d’interdire la vente d’armes et de munitions américaines à la Turquie et de restreindre l’octroi de visas américains aux dirigeants turcs.
Ils veulent enfin mettre en oeuvre sans délai des sanctions prévues par une loi américaine de 2017 pour punir l’acquisition, par les autorités turques, du système russe de défense antimissiles S-400. Ces sanctions sont censées êtres automatiques, mais Donald Trump a jusqu’ici affiché sa réticence à les appliquer.
Après avoir soufflé le chaud et le froid, le locataire de la Maison Blanche a menacé de « détruire rapidement l’économie turque si les dirigeants turcs poursuivent dans cette voie dangereuse et destructrice » en Syrie.
Et il a imposé lundi de premières sanctions aux ministres turcs de l’Energie, de la Défense et de l’Intérieur, mais celles-ci sont bien en-deçà de celles préconisées au Sénat.
Le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin a toutefois prévenu mercredi que d’autres sanctions étaient en préparation si un cessez-le-feu n’était pas appliqué par Ankara dans son offensive contre les Kurdes en Syrie. Elles pourraient viser d’autres ministères turcs ou des branches industrielles.