Les États-Unis decident d’ouvrir une ambassade au Soudan
Les États-Unis ont amorcé un rapprochement spectaculaire avec le Soudan, en apportant un soutien appuyé au premier ministre de transition Abdallah Hamdok, venu plaider la fin des sanctions américaines pour «soutien au terrorisme».
«Les États-Unis et le Soudan ont décidé d’engager le processus visant à échanger des ambassadeurs après une pause de 23 ans», a annoncé le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo. Un ambassadeur des États-Unis va donc prochainement être nommé à Khartoum.
«Cette décision est un pas en avant important dans le renforcement des relations bilatérales américano-soudanaises, particulièrement au moment où un gouvernement de transition dirigé par un civil met en œuvre de vastes réformes», a-t-il ajouté dans un communiqué.
Sans être rompues, les relations entre les deux pays étaient au plus bas pendant les 30 années de régime d’Omar el-Béchir, renversé au printemps sous la pression de la rue.
Depuis 1993, alors que le président Béchir avait accueilli le chef terroriste du réseau Al-Qaïda Oussama ben Laden, le Soudan est inscrit sur la liste noire américaine des «États soutenant le terrorisme». En 1998, après les attentats meurtriers d’Al-Qaïda contre les ambassades américaines au Kenya et en Tanzanie, Washington avait même mené des frappes aériennes au Soudan.
L’annonce du renforcement des relations intervient en plein déplacement à Washington du premier ministre.
Il s’agit d’une visite historique : c’est la première fois depuis 1985 qu’un dirigeant soudanais est accueilli par des responsables du gouvernement américain dans la capitale fédérale des États-Unis.
Abdallah Hamdok a rencontré mardi le secrétaire américain au Trésor Steven Mnuchin, qui a «salué» sa volonté de réformes et a insisté sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
Au département d’État, il a été reçu mercredi par le numéro trois de la diplomatie américaine, David Hale, qui l’a «félicité» et «a exprimé le soutien sans faille des États-Unis à la transition démocratique soudanaise».
À la suite d’un accord conclu en août entre l’armée et les meneurs de la contestation qui avait entraîné la destitution d’Omar el-Béchir, un Conseil souverain formé de civils et de militaires est chargé d’assurer la transition vers un régime civil. Le nouveau gouvernement est engagé sur plusieurs fronts : réformes démocratiques, tentative de paix avec différents groupes rebelles, mais aussi relance de l’économie confrontée à une crise aigüe.
L’une des priorités d’Abdallah Hamdok, un économiste, est donc de plaider auprès des États-Unis pour qu’ils retirent Khartoum de leur liste noire, qui entrave les investissements extérieurs.
«Un projet-clé du nouveau gouvernement de transition est de lutter contre le terrorisme, et afin d’assurer la stabilité dans la région, il faut un programme régional et international de lutte contre le terrorisme», a ainsi assuré le dirigeant dans un communiqué après ses entretiens à Washington.
Les sanctions américaines sont «un obstacle majeur», avait récemment confié le ministre soudanais des Finances Ibrahim Elbadawi, qui était lui-même à Washington fin octobre. Le nouveau Soudan d’après la «glorieuse révolution» est «toujours entravé par la situation de l’ancien régime», avait-il expliqué.
Le ministre s’était alors dit convaincu, après avoir sondé des responsables américains, que le retrait du Soudan de la liste noire des États soutenant le terrorisme pourrait intervenir «avec un peu de chance avant la fin de l’année».
Le gouvernement américain a récemment dit être prêt à envisager de tourner cette page si des progrès suffisants étaient réalisés au Soudan, tout en soulignant que le processus prendrait un certain temps.
Et plusieurs membres du Congrès, tout en apportant leur soutien aux autorités de Khartoum après avoir également rencontré Abdallah Hamdok, ont évoqué leurs «inquiétudes persistantes», demandant davantage de «transparence financière dans le secteur de la sécurité» et des éclaircissements sur «des éléments de l’ancien régime qui pourraient toujours soutenir le terrorisme international».
Selon un communiqué, ces parlementaires ont «souligné qu’avant de retirer le Soudan de la liste, le gouvernement devait trouver un accord avec les familles de victimes des attentats contre les ambassades des États-Unis au Kenya et en Tanzanie».