Les répercussions de l’arrêt des exportations de gaz russe vers la Pologne et la Bulgarie
Le géant gazier russe Gazprom a suspendu mercredi toutes ses livraisons de gaz vers la Bulgarie et la Pologne, faisant planer la menace d’une pénurie en Europe centrale et orientale mais aussi sur l’ensemble du continent européen.
Après l’introduction de sanctions contre la Russie pour son invasion de l’Ukraine, le Kremlin avait averti les pays de l’UE que leur approvisionnement en gaz serait interrompu s’ils ne payaient pas en roubles.
« Les conditions qui ont été fixées font partie d’une nouvelle méthode de paiement élaborée après des actes inamicaux sans précédent », a expliqué mercredi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Moscou a précisé que le prix du gaz restait libellé dans la devise des contrats en cours, soit le plus souvent en euros ou en dollars, mais que les clients devraient désormais effectuer une opération de change en Russie.
En 2021, la Russie a fourni 32 % de la demande totale de gaz dans l’Union européenne et au Royaume-Uni, contre 25 % en 2009, selon AIE, mais la situation change beaucoup suivant le pays.
Si la Finlande dépend pour 97,6 % du gaz russe, selon Eurostat (en 2020), les trois pays baltes, la Lituanie, la Lettonie et l’Estonie, ont annoncé début avril avoir arrêté d’importer du gaz russe, comptant à ce stade sur leurs réserves actuelles de gaz, stockées sous terre.
Frappée par la rupture des livraisons de gaz russe, la Bulgarie en dépend pour environ 85%, autant que la Slovaquie.
L’Allemagne reste dépendante avec une proportion de 55 % mais, selon le ministère allemand de l’Economie et du Climat « la sécurité d’approvisionnement en Allemagne est actuellement garantie ».
Selon Claudia Kemfert, experte énergie à l’Institut allemand de recherche économique (DIW Berlin), « l’arrêt des livraisons de gaz de la part de la Russie vers la Pologne et la Bulgarie est la nouvelle étape de l’escalade de Poutine pour faire paniquer l’Europe ».
Cependant, a-t-elle estimé, « il ne faut pas s’attendre à des difficultés d’approvisionnement pour le moment, car l’Allemagne et l’Europe sont suffisamment approvisionnées en gaz ».
Compte tenu des prix actuels du marché, la valeur des exportations de gaz russe vers l’UE s’élève à elle seule à 400 millions de dollars par jour, selon l’Agence internationale de l’Energie (AIE).
Selon le site internet de Gazprom Export, 68 % des exportations gazières du géant russe sont allées en 2020 vers l’Europe.
Pour des exportations totales de 174,9 milliards de m³, 119,35 milliards de m³ sont allés à l’Europe, dont près de 49 milliards de m³ pour la seule Allemagne, près de 21 milliards de m3 pour l’Italie et plus de 13 milliards de m³ pour l’Autriche.
L’AIE soulige de son côté que « les revenus générés par les exportations de gaz et pétrole constituaient en janvier 2022 45 % du budget fédéral de la Russie« .
La Pologne, qui utilise jusqu’à 21 mds m³ de gaz par an, se déclare « prête à affronter même la coupure totale » du gaz russe. Selon le chef du gouvernement.
La Pologne, qui produit elle-même environ 4,5 mds m³ de gaz, dispose déjà d’un terminal LNG à capacité actuelle de transfert de 6,5 mds m³ de gaz, qui doit être porté prochainement jusqu’à 8 mds m³.
Selon le gouvernement polonais, les réserves de gaz sont remplies à 76 % et la Pologne dispose d’interconnections gazières avec tous ses voisins. Le pays compte surtout sur le lancement en octobre du gazoduc Baltic Pipe capable de lui acheminer jusqu’à 10 mds m³ de gaz norvégien.
« On se débrouillera même avec ce pistolet braqué sur la tête », a dit mercredi le Premier ministre Mateusz Morawiecki.
L’Union européenne a accusé mercredi la Russie de « chantage » au gaz après qu’elle eut fermé le robinet d' »or bleu » à la Pologne et à la Bulgarie, tandis que Moscou affirmait avoir détruit « une grande quantité d’armes » fournies par les Occidentaux aux Ukrainiens.
Dénonçant un nouveau « chantage au gaz », la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a affirmé que ces deux pays membres de l’UE et de l’Otan, très dépendants de l' »or bleu » russe, étaient désormais approvisionnés « par leurs voisins de l’Union européenne ».
« Il ne s’agit pas de chantage », mais d’une réponse à « des actes inamicaux », lui a répondu le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov, une allusion au gel des réserves de devises étrangères russes détenues à l’étranger.
par: Arab Observer