l’Ethiopie critique la médiation américaine au sujet de la barrage de la renaissance
Vivement critiqués par l’Ethiopie, Washington a réaffirmé sa “neutralité” dans leurs efforts de médiation entre Addis Abeba et Le Caire au sujet de l’immense barrage éthiopien sur le Nil.
Appelé à devenir la plus grande installation hydroélectrique d’Afrique, le Grand barrage de la Renaissance (Gerd) que l’Ethiopie construit sur le Nil Bleu (qui rejoint au Soudan le Nil Blanc pour former le Nil) est une source de forte tensions avec l’Egypte depuis 2011.
Après neuf années de blocage dans les négociations, les Etats-Unis et la Banque mondiale parrainent depuis novembre 2019 des discussions visant à trouver un accord entre les trois pays, après que le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a fait appel à son homologue américain Donald Trump.
“Les Etats-Unis ont toujours affirmé être neutres dans cette affaire”, a assuré à Washington le sous-secrétaire d’Etat aux Affaires africaines, Tibor Nagy.
“Nous faisons de notre mieux en travaillant avec ces pays, qui campent sur des positions très affirmées”, a-t-il ajouté.
Pour la seconde fois en moins d’une semaine, Addis Abeba avait dénoncé plus tôt dans la journée les efforts américains de médiation entre l’Ethiopie, le Soudan et l’Egypte, proche allié de Washington.
Fin février, le Trésor américain a affirmé dans un communiqué qu’un accord avait été trouvé et exhorté l’Ethiopie à le signer “le plus rapidement possible”.
Le contenu de cet accord n’a pas été révélé. Le Caire a affirmé avoir été à l’origine de cet accord, qu’elle a qualifié de “juste et équitable” et dans “l’intérêt commun des trois pays”.
“Nous considérons le récent communiqué américain non diplomatique”, a déclaré mardi le ministre éthiopien des Affaires étrangères Gedu Andargachew. “Nous voulons que les Américains jouent un rôle constructif. Tout autre rôle est inacceptable (…) Si les Américains exercent des pressions, cela doit être sur toutes les parties, pas seulement sur nous”.
Abdel Fattah al-Sissi a assuré mardi que Donald Trump lui avait assuré que Washington continuerait à parrainer des négociations.
“Le président Trump a souligné les efforts continus de l’administration américaine pour se coordonner avec l’Egypte, le Soudan et l’Ethiopie sur ce dossier vital jusqu‘à la signature par les trois pays de l’accord sur le barrage de la Renaissance”, a indiqué la présidence égyptienne dans un communiqué.
Selon la présidence égyptienne, M. Trump a salué l’obtention par le Caire d’un accord préliminaire. De son côté, M. Sissi a dit qu’il défendrait les “intérêts” et le “futur” de son pays.
L’Ethiopie estime le Gerd essentiel pour son développement économique, alors que l’Egypte, dont l’irrigation et l’eau potable dépendent à 90% du Nil, le considère comme une menace vitale.
Le Caire s’inquiète de son impact sur le débit du fleuve, en premier lieu en cas de remplissage trop rapide du réservoir – qui peut contenir 74 milliards de m3 d’eau.
Selon le Trésor américain, ce remplissage “ne devrait pas avoir lieu sans accord” entre les trois pays, mais l’Ethiopie a affirmé qu’elle l’entamerait “en parallèle” à la construction du barrage, alors que la date de futures discussions reste indéterminée.
Mardi, le ministre éthiopien de l’Eau Seleshi Bekele a précisé que le remplissage du réservoir pourrait commencer au début de la prochaine saison des pluies, en juin.
Selon William Davison, analyste en charge de l’Ethiopie pour le centre de réflexion International Crisis Group (ICG), le communiqué américain sous-entend qu’un début de remplissage du réservoir sans accord “violerait le principe de droit international de ne pas causer de dommage significatif aux nations en aval”.