l’Irak était à feu et à sang, 27 morts

Le sud de l’Irak était à feu et à sang jeudi avec la mort de 27 manifestants dans la répression des forces de l’ordre et avec les attaques des protestataires contre des bâtiments officiels dont le consulat d’Iran dans la ville sainte chiite de Najaf.
Pour tenter de contenir la spirale de violence, les autorités ont limogé un général qu’elles avaient initialement dépêché pour « rétablir l’ordre » dans le sud de l’Irak, secoué depuis le 1er octobre par un mouvement de contestation inédit depuis des décennies.
Avec l’incendie du consulat iranien, le mouvement qui conspue le pouvoir à Bagdad et son parrain iranien a franchi un palier, après des violences qui ont fait en deux mois plus de 380 morts et quelque 15.000 blessés, selon de sources médicales et policières compilé.

A Nassiriya, dont est originaire le Premier ministre Adel Abdel Mahdi, 25 manifestants ont été tués et plus de 200 blessés en quelques heures, après l’arrivée des renforts de la police depuis Bagdad, selon des médecins.
Mais les manifestants ne se replient pas. Ils ont d’abord incendié un QG de la police puis encerclé le commandement militaire de la province où se trouvent les ruines de la ville antique d’Ur. Ils ont formé par milliers un cortège funéraire aux « martyrs » dans le centre-ville, défiant un couvre-feu imposé plus tôt.
Là, ils ont crié qu’ils resteraient « jusqu’à la chute du régime ».
Des dizaines de combattants tribaux en armes se sont déployés sur l’autoroute venant de Bagdad, déterminés ont-ils dit, à empêcher l’arrivée de plus de renforts de la capitale.
Evoquant des « scènes de guerre » à Nassiriya, Amnesty International a accusé les forces irakiennes de se livrer à « une violence consternante » et appelé la communauté internationale à intervenir car « le bain de sang doit cesser ».

Plus au nord, dans la ville sainte chiite de Najaf, visitée chaque années par des millions de pèlerins iraniens, des centaines de manifestants ont brûlé puis investi le consulat iranien mercredi tard le soir, aux cris de « Iran dehors! » et « victoire à l’Irak! ».
Jeudi, deux manifestants ont été tués par balles près du consulat, selon des médecins.
Bagdad a dénoncé des personnes « étrangères aux manifestations » voulant « saper les relations historiques » entre l’Iran et l’Irak, d’avoir incendié le consulat. Téhéran a réclamé « une action décisive ».
Les violences ont aussi touché Kerbala, l’autre ville sainte chiite, où de feu et sang entre les  manifestants et les forces de l’ordre.
Pour les manifestants, le système politique conçu par les Américains qui ont renversé Saddam Hussein en 2003 est à bout de souffle dans un des pays les plus riches en pétrole du monde mais aussi l’un des plus corrompus.

Et surtout, le pouvoir est sous la mainmise de l’Iran, qui a pris l’avantage face aux Etats-Unis, et de son puissant émissaire, le général Qassem Soleimani. Ce dernier est parvenu à réunir les partis irakiens pour resserrer les rangs autour de M. Abdel Mahdi, un temps sur la sellette.
Depuis le 1er octobre, des dizaines de milliers d’Irakiens réclament pourtant le renouvellement du système et de la classe dirigeante dans un pays où un habitant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté et où, officiellement, 410 milliards d’euros ont été détournés ces 16 dernières années, soit deux fois le PIB.
Revenant à la charge, le turbulent leader chiite irakien Moqtada Sadr a prévenu que si le gouvernement ne démissionnait pas, « ce serait le début de la fin de l’Irak ».

La répression a été lancée après la nomination jeudi de commandants militaires pour « restaurer l’ordre ».
Mais à Nassiriya, le gouverneur Adel al-Dekhili a menacé de démissionner si le général tout juste nommé, Jamil al-Chemmari, n’était pas limogé.
Le Premier ministre a finalement limogé ce haut-gradé qui était en charge de la sécurité à Bassora lors de manifestations dispersées dans le sang et l’incendie d’un consulat iranien en 2018, selon la télévision d’Etat.
Cette fois-ci encore, Bassora, l’immense cité pétrolière à la pointe sud du pays participe au mouvement. Là, comme dans les autres villes du Sud, les écoles sont fermées, de même que de nombreuses administrations.
Et les grands axes routiers sont coupés par des manifestants qui tentent de toucher le gouvernement à son talon d’Achille, l’or noir.
Jusqu’ici toutefois, ils n’ont atteint ni la production ni la distribution de pétrole, unique ressource en devise du pays et qui représente 90% des recettes d’un gouvernement surendetté.

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