Moqtada Sadr a annoncé la dissolution de ses casquettes bleues

Le leader chiite irakien Moqtada Sadr a annoncé mardi la dissolution de ses « casquettes bleues », impliquées dans de récents affrontements ayant fait huit morts parmi les manifestants antipouvoir, semblant donner des gages à un mouvement qui l’accuse de l’avoir trahi.

Dès les premiers jours de la révolte populaire née en octobre alors que le pouvoir, ébranlé, s’arc-boutait face aux manifestants, l’un de ses piliers, le très versatile Moqtada Sadr prenait le parti des manifestants contre le gouvernement qu’il avait aidé à former.
Ses « casquettes bleues », les combattants officiellement non armés de son importante faction des « brigades de la paix », devenaient ainsi de véritables héros, une force protectrice pour de nombreux manifestants qui voyaient le bilan de la répression s’alourdir. Aujourd’hui, il atteint officiellement près de 550 morts et 30.000 blessés, quasiment tous des manifestants.

Mais il y a une dizaine de jours, Moqtada Sadr a de nouveau changé de camp: il a annoncé qu’il donnait sa chance au Premier ministre désigné Mohammed Allawi, retirant aux manifestants leur principal soutien politique et logistique.
Ses « casquettes bleues » devaient désormais rouvrir écoles et administrations fermées par les militants de la désobéissance civile, a-t-il dit.
C’est cette dernière directive qui lui a valu critiques et moqueries des manifestants. Mais aussi et surtout l’ire du grand ayatollah Ali Sistani, figure tutélaire de la politique en Irak, qui a martelé que seules les forces de sécurité étaient habilitées à cette tâche et non les factions armées, qui sont légion dans le pays.
Depuis, le mouvement sadriste –qui tient le premier bloc au Parlement– a nuancé son soutien à M. Allawi, semblant vouloir donner des gages aux manifestants toujours dans la rue.
« J’annonce la dissolution des casquettes bleues et je refuse que le mouvement sadriste s’invite dans les manifestations sans s’y intégrer totalement », a-t-il écrit mardi sur Twitter.
En outre, l’ancien chef de milice qui se trouve en Iran depuis plusieurs mois manie la menace face à M. Allawi, déjà à la peine selon plusieurs sources politiques pour former avant le 2 mars un gouvernement censé mener l’Irak vers des élections anticipées au plus vite.
« Nous entendons qu’il y a des pressions partisanes et confessionnelles pour former le gouvernement provisoire, nous sommes donc de moins en moins convaincus par ce gouvernement », écrit-il.

« Nous pourrions le renier et tous les arracher par la racine », un de ses mots d’ordre devenu slogan phare de la « révolution d’octobre ».
« Nous avons été forcés de nous taire mais nous sommes toujours du côté de ceux qui réclament des réformes », poursuit-il, alors que son mouvement affirme désormais qu’il n’a « pas soutenu » M. Allawi mais simplement décidé de ne « pas lui opposer de veto ».

Les très nombreux partisans de Moqtada Sadr ont déjà organisé par le passé des sit-in dans ce quartier ultrasécurisé de Bagdad, paralysant de fait le pays.
L’Irak, deuxième producteur de pétrole de l’Opep mais aussi l’un des pays les plus corrompus au monde, ne cesse de s’enfoncer dans la crise sociale et politique depuis plusieurs mois.
M. Allawi a donc la lourde tâche de former un gouvernement de personnalités à la fois acceptables pour les manifestants, intransigeants sur la participation de politiciens déjà en poste, c’est la raison pour laquelle ils refusent toujours M. Allawi, deux fois ministre.
Mais aussi acceptables pour le Parlement le plus éclaté de l’histoire de l’Irak, où les pro-Iran font de l’expulsion des 5.200 soldats américains du pays une condition sine qua non à leur soutien au gouvernement.
Depuis que Washington a ordonné l’assassinat en Irak du général iranien Qassem Soleimani tué avec l’Irakien Abou Mehdi al-Mouhandis, leader de facto des paramilitaires pro-Iran, les tensions entre Téhéran et Washington et la flambée de sentiments anti-Américains ont fait redouter aux manifestants que leur mouvement ne soit totalement éclipsé.
Mardi, des commémorations officielles ont eu lieu pour la fin des 40 jours de deuil, sans susciter d’engouement populaire, à Bagdad accaparée par un événement météorologique rarissime: pour la deuxième fois seulement en plus d’un siècle, de la neige est tombée sur la deuxième capitale la plus peuplée du monde arabe.

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