Pervez Musharraf condamné à mort pour haute trahison

L’ex-président pakistanais Pervez Musharraf, en exil à Dubaï, a été condamné à mort par contumace mardi pour « haute trahison », a annoncé la radio publique, une première dans un pays où l’armée est souvent considérée comme à l’abri des poursuites.

La condamnation de ce personnage central de l’histoire récente du Pakistan a trait « à la décision qu’il a prise le 3 novembre 2007 », soit l’imposition de l’état d’urgence dans le pays, a déclaré son avocat, Akhtar Shah. L’ex-président « n’a rien fait de mal », a-t-il souligné.
Un haut magistrat pakistanais a confirmé  la sentence et le chef d’accusation.
Pervez Musharraf avait alors invoqué la défense de l’unité nationale face au terrorisme islamiste et l’opposition de la Cour suprême, qui devait se prononcer sur la légalité de sa réélection un mois plus tôt, pour suspendre la Constitution.
« Le terrorisme et l’extrémisme sont à leur apogée », avait justifié le général, qui s’en était également pris au « militantisme judiciaire ».
Cette mesure très impopulaire, levée en décembre 2007, avait fini par causer sa chute moins d’un an plus tard.
« Il avait l’immunité. Il était le chef d’état-major, il était le président du Pakistan et le commandant suprême des forces armées », a observé mardi son avocat Akhtar Shah, ajoutant que Pervez Musharraf, exilé et « malade », « voulait rentrer au Pakistan pour témoigner » mais attendait pour cela que « sa sécurité soit garantie ».
Talat Masood, un général en retraite et analyste sécuritaire, a qualifié d' »extraordinaire » le fait que la justice ait condamné un ancien chef d’Etat et militaire, quand ceux-ci sont considérés comme tout-puissants au Pakistan, gouverné par l’armée près de la moitié de ses 72 ans d’existence.
Cette décision aura « un grand impact sur l’évolution démocratique du Pakistan », a-t-il estimé.
Aujourd’hui âgé de 76 ans, le général Musharraf était parvenu au pouvoir par un coup d’Etat sans effusion de sang en octobre 1999, puis s’était autoproclamé président en juin 2001, avant de remporter en avril 2002 un référendum controversé. Il était resté à la tête du Pakistan jusqu’en 2008.

Sous le règne de ce stratège connu pour son franc-parler, admirateur de Napoléon Bonaparte et amateur de cigares, le Pakistan avait vu sa croissance économique décoller, sa classe moyenne se développer, les médias se libéraliser et l’armée jouer la carte de l’apaisement face à l’Inde rivale.
Mais ses opposants n’ont eu de cesse de dénoncer sa mainmise « dictatoriale » sur le pouvoir, le renvoi « illégal » de juges de la Cour suprême qui s’opposaient à lui, l’imposition de l’état d’urgence et l’assaut sanglant contre des islamistes lourdement armés réfugiés dans la mosquée Rouge d’Islamabad à l’été 2007.
En août 2008, au sommet de son impopularité et face à la pression croissante de l’opposition et de la justice, ce nationaliste avait démissionné, pour ensuite amorcer un luxueux exil volontaire entre Londres et Dubaï.
Rentré en mars 2013 au Pakistan afin de participer aux élections, ses ambitions politiques avaient été brisées par de multiples poursuites judiciaires.
Il avait à nouveau quitté le pays en mars 2016 pour des soins médicaux à Dubaï en promettant de revenir ensuite affronter ses juges. Il ne s’est pas exécuté jusqu’ici.
En août 2017, la justice pakistanaise l’a déclaré « fugitif » dans le procès du meurtre de Benazir Bhutto, qui était alors sa rivale en politique.
Elle a également ordonné que soient confisqués les biens de l’ancien dirigeant militaire, qui avait été inculpé en 2013 dans cette affaire et fait désormais office de seul suspect.
Mme Bhutto, deux fois élue Premier ministre du Pakistan, et première femme de l’ère contemporaine à avoir dirigé un pays musulman, avait été assassinée dans un attentat-suicide à Rawalpindi le 27 décembre 2007.
« La démocratie est la meilleure revanche. Joye (Longue vie à) Bhutto », a tweeté son fils Bilawal Bhutto Zardari, qui dirige le Parti du peuple pakistanais (PPP), un important parti d’opposition.
« Ce verdict mettra un terme aux violations de la Constitution dans le futur », a de son côté réagi Ahsan Iqbal, un cadre de la Ligue musulmane pakistanaise (PML), la principale formation d’opposition, dont Musharraf avait chassé le leader Nawaz Sharif du pouvoir lors de son putsch en 1999.

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