Plus de 300.000 personnes disparues en Irak
En Irak, on estime qu’un million 300.000 personnes sont portées disparues. Le phénomène affecterait toutes les familles irakiennes, selon la Croix Rouge. Guerre, terrorisme, instabilités politiques, les causes de ces disparitions sont multiples et liées à l’histoire du pays. En effet, depuis les années 80, l’Irak n’a jamais connu de longues périodes de paix.
Samia Khasro, 72 ans, est sans nouvelle de 26 membres de sa famille. Cette ancienne députée vit un véritable calvaire depuis de longues années.
Elle a disposé dans son salon les photos des disparus et allume chaque jour une bougie pour se souvenir. « Jusqu’à aujourd’hui, je passe ma vie à attendre. Le jour où me montrera leurs restes, je pourrai enfin me dire qu’ils sont morts », explique l’Irakienne, très émue.
Son mari, Saadoune, ne sait pas ce qu’est devenu son frère, disparu depuis la fin des années 80. Leur famille, issue de la minorité des Kurdes chiites a longtemps été persécutée par le régime du dictateur Saddam Hussein.
En 1988, Saddam Hussein accuse les Kurdes du nord de l’Irak de collaboration avec le régime ennemi d’Iran. Il lance alors l’opération “Al Anfal” (butin de guerre), un génocide qui a entraîné la mort de plus de 800.000 Kurdes.
“Ce n’est pas moi qui ait dit à Dieu de me faire naître Kurde et chiite en Irak, alors pourquoi avons-nous été punis pour cela ? », se lamente Samia. Ce qu’elle craint par-dessus tout, c’est que l’histoire et les souffrances de sa famille tombent dans l’oubli. « Nous allons mourir, mais nos descendants ressentiront-ils la même urgence ? », s’interroge Mme Khasro.
Depuis la chute du régime de Saddam Hussein, Samia et son mari espéraient que la situation des familles de disparus deviendrait une priorité pour les autorités.
Or, selon elle, il n’en est rien. Elle assure que le budget alloué par l’Autorité des disparus est de “zéro dinar”.
Ronak Mohammed, 63 ans, attend le retour de son mari depuis plus de 37 ans. A Kirkouk aussi, l’Histoire de l’Irak a laissé son empreinte.
“Mon mari était employé par la compagnie pétrolière nationale de Kirkouk. Il a été informé qu’il devait servir dans l’armée pendant un mois. On l’a transféré à Al-Amara et il n’est jamais revenu”, explique-t-elle.
La ville d’Al-Amara a été le théâtre de nombreux combats lors de la guerre Iran-Irak (qui a duré de 1980 à 1988). En 1983, année qui semble correspondre à la date de disparition du mari de Ronak, l’opération “Before the Dawn” a donné lieu à des combats violents dans la région et a coûté la vie à 8000 soldats.
Jusqu’ici, elle n’a jamais obtenu confirmation de la mort de son mari.
Ronak a dû élever ses trois enfants seules et sa benjamine n’avait que trois semaines lorsque son père a quitté le domicile.
Depuis, elle parcourt avec émotion ses vieux albums photos pour se souvenir des meilleurs moments de sa vie.
De son mari, elle ne conserve que deux objets : une montre et une alliance.
Zineb Jassem, une jeune femme de Kirkouk, est inconsolable. Sa maman, partie livrer des vêtements dans une zone rurale en 2014, a été kidnappée par des membres de l’organisation terroriste Etat Islamique. Les ravisseurs ont même appelé la jeune femme pour lui apprendre la terrible nouvelle.
Zineb a pourtant toujours gardé espoir de la revoir vivante, jusqu’à la fin de l’année 2017.
“Nous espérions qu’elle sortirait de Hawija (ndlr : ville contrôlée par l’E.I depuis 2014) et qu’elle pourrait revenir parmi nous. Nous pensions qu’elle était vivante mais quand Hawija et Mossoul ont été libérées (ndlr : fin 2017), nous savions que si ma mère était vivante, elle serait revenue”, explique Zineb.
Depuis, la jeune femme est inconsolable. Elle garde précieusement des vêtements fabriqués par sa mère, couturière.
Samia, Saadoune, Ronak et Zineb, comme presque toutes les familles irakiennes, attendent de savoir avec certitude ce qu’il est arrivé à leurs proches. Beaucoup, ont sans aucun doute été emportés par l’histoire violente de l’Irak.
Gauthier Descamps