Élections en Syrie: les Occidentaux auraient voulu que Bachar finisse comme Saddam ou Kadhafi
Alors que la Syrie s’apprête à élire son nouveau Président, le Royaume-Uni, la France et les États-Unis ont d’ores et déjà annoncé qu’ils ne reconnaîtront pas les résultats du scrutin. Une prise de position qui attesterait que malgré la fin du conflit, l’Occident n’a pas dit son dernier mot avec Bachar el-Assad, à en croire un cadre du parti Baas.
«Pourquoi les Occidentaux continuent-ils de mettre la pression sur la Syrie? On n’a plus rien, ni électricité, ni pétrole, ni eau. Foutez nous la paix, on ne demande que ça!» nous confie un cadre du parti Baas, principale force politique en Syrie.
Et pour cause, le Royaume-Uni, la France et les États-Unis s’obstinent dans leurs politiques de pressions à l’égard de Damas. Au cours d’une session mensuelle du Conseil de sécurité sur la Syrie le 28 avril, Londres, Washington et Paris ont renouvelé leur refus catégorique de reconnaître le résultat de l’élection présidentielle syrienne qui se tiendra le 26 mai prochain.
«La France ne reconnaîtra aucune validité aux élections prévues par le régime fin mai», a ainsi déclaré Nicolas de Rivière, ambassadeur français à l’Onu. Son homologue britannique, Sonia Farrey, a de son côté affirmé que «des élections en l’absence d’un environnement sûr et neutre, dans un climat de peur permanente, lorsque des millions de Syriens dépendent de l’aide humanitaire […] ne confèrent pas de légitimité politique, mais manifestent plutôt un mépris pour le peuple syrien.» Après 10 ans de conflits en Syrie, les pays occidentaux campent sur leurs positions. Celles d’une opposition catégorique à Bachar el-Assad.
Pour sa part, la Russie déplore les «ingérences inadmissibles dans les affaires intérieures de la Syrie» et juge «affligeant que certains pays rejettent l’idée même de cette élection», qu’ils ont d’ores et déjà déclaré «illégitime». Des déclarations qui illustreraient l’entêtement de l’Occident, à en croire notre source locale, qui a souhaité conserver l’anonymat. Et qui, surtout, lui fait craindre le pire:
«Il faut prendre au sérieux ce genre de déclaration. Ça veut dire que l’Occident n’a pas dit son dernier mot avec la Syrie. Mais ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que la grande majorité des Syriens vivant en Syrie soutiennent le Président Bachar el-Assad.»
L’actuel Président syrien a déposé sa candidature le 21 avril dernier. Il serait sur le point de remporter son quatrième mandat consécutif, depuis la mort de son père Hafez en 2000. «Les Occidentaux disent qu’il y a qu’un seul candidat, mais c’est faux, les gens peuvent se présenter», veut-on croire au sein du parti Baas. À ce jour 51 personnes, dont sept femmes, ont déposé leur candidature. Mais la France, le Royaume-Uni et les États-Unis se focaliseraient sur les réfugiés pour garder un rôle dans le dossier syrien.
En effet, Linda Thomas-Greenfield, ambassadrice des États-Unis à l’Onu, a déclaré que des mesures devaient être prises pour «une participation des réfugiés, des personnes déplacées et de la diaspora à toute élection syrienne.» Un argument entendu: l’opposition syrienne se trouve à l’étranger. Dès 2012, ces mêmes pays avaient reconnu cette opposition comme étant «la seule représentante du peuple syrien.»
«Les Occidentaux auraient voulu que Bachar finisse comme Saddam ou Kadhafi. Aujourd’hui, ils se parent des principes des droits de l’homme en misant sur les réfugiés», accuse notre interlocuteur, avant d’enfoncer le clou: «Mais nous, Syriens, on connaît la réalité: ils nous affament pour des raisons politiques.»
Faute de pouvoir s’immiscer directement en Syrie, les pays occidentaux programment effectivement des conférences internationales pour venir en aide aux réfugiés dans les pays d’accueil. Le 30 mars dernier, l’Union européenne a organisé une réunion à Bruxelles, permettant de récolter pas moins de cinq milliards de dollars. Une initiative qui révolte les Syriens restés sur place, affirme le cadre du parti Baas: «pourquoi ils ne donnent pas ces cinq milliards pour reconstruire le pays qu’ils ont détruit? Après le militaire, ils nous asphyxient par l’économie.»
Et c’est peu dire. L’économie syrienne est littéralement exsangue: le pétrole est rationné pour cause de pénurie, le peuple n’arrive pas à se chauffer au gaz et la monnaie ne cesse de perdre d
e sa valeur. De surcroît, les sanctions occidentales empêchent le pays de commercer avec l’extérieur. Les alliés de Damas peinent de surcroît à importer des produits syriens. «Le pays était connu pour ses légumes, sa viande, sa culture. Nos produits se vendaient dans tout le Moyen-Orient, dans le Caucase et même en Europe», souligne avec fierté et nostalgie notre source locale. Mais en juin 2020, avec la loi César, les États-Unis ont encore renforcé les sanctions économiques à l’égard de la Syrie. En visant les banques, ils ont touché toute la population. Bien que les combats aient diminué, le pays peine donc à se reconstruire.
«La guerre est pratiquement finie. On voit des entrepreneurs chinois et russes s’intéresser à des projets de reconstruction. Les arrivées de convois en provenance d’Arabie saoudite et des Émirats sont de plus en plus régulières. Mais aujourd’hui, les sanctions empêchent les projets de voir le jour», souligne l’homme politique local.
Moscou s’active sur ce sujet. En mars dernier, Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie russe, était en tournée dans le Golfe pour inciter aux investissements et à la reconstruction de la Syrie. Un besoin vital d’investissements que les Occidentaux semblent minorer.
«L’Occident se voile la face, il ne veut pas admettre que la Syrie de Bachar el-Assad a gagné la guerre, avec l’Iran et la Russie. Il est dans le déni de la réalité», tacle-t-on du côté des partisans de Bachar el-Assad.
Après une décennie de conflit, la politique occidentale sur le dossier syrien n’a, semble-t-il, pas bougé d’un iota.
Par Alexandre Aoun