Tour de France: Egan Bernal accueilli en héros dans sa ville natale en Colombie
Le jeune coureur cycliste Egan Bernal, vainqueur du Tour de France 2019, est rentré en Colombie. Mercredi 7 août, jour de l’anniversaire de l’indépendance colombienne, ses compatriotes ont célébré sa victoire dans sa ville natale de Zipaquira, à une cinquantaine de kilomètres de Bogota, où des milliers de personnes se sont rassemblées pour le retour du héros de la Grande Boucle.
Une foule joyeuse scande le nom d’Egan Bernal. Après son retour en Colombie lundi, le jeune champion de 22 ans a choisi de célébrer sa victoire sur le Tour de France dans la ville qui l’a vu grandir sur son vélo. Rentré en cachette ou presque lundi soir, Egan Bernal n’a pas voulu des honneurs de la capitale, ni de la présence des politiques. Il a choisi de célébrer sa victoire avec sa famille, ses amis et ses voisins. « Ses gens », comme on dit ici à Zipaquira.
La ville qui a vu naître et grandir sur un vélo Egan est perchée à 2700 mètres d’altitude. « Elle produit des cyclistes aux jambes d’acier », explique avec fierté, Fabio Rodriguez, premier entraîneur du jeune champion. « Enfant, il était bon, comme tous les autres, raconte l’instructeur. Beaucoup lâchaient quand l’entraînement devenait exigeant. Egan lui tenait. Quand il a eu 14 ans, je me suis dit que ce serait un grand ». M. Rodriguez espère que la victoire au Tour de France de son poulain va inciter les pouvoirs publics colombiens à soutenir plus activement le sport en général et le cyclisme en particulier.
Quelques vieux champions – dont Luis Herrera, premier Colombien à avoir remporté une étape du Tour de France en 1984 – ont fait le voyage. Des dizaines de cyclistes amateurs aussi. Ramiro Sarmiento qui est venu en vélo de Bogota, à une cinquantaine de kilomètres de là, raconte : « je suis parti à 5h30 ce matin dans l’espoir de pouvoir accueillir Egan. Sa victoire est la plus grande victoire sportive jamais remportée par la Colombie. C’est comme une Coupe de monde de foot, c’est vraiment très émouvant ».
Les habitants de Zipaquira sont unanimes : « Nous savions qu’un jour la Colombie allait gagner mais nous n’imaginions pas que cela arriverait si vite », nous racontent-ils.
Une arrivée à vélo
Le 7 août est férié en Colombie et tout Zipaquira était sur la grand place parée de drapeaux. Sur l’estrade installée par la mairie, un gigantesque fauteuil blanc attend le héros du jour. Egan Bernal fait son arrivée en vélo, avec un quart d’heure d’avance.
Son maillot Jaune et son sourire timide qui apparaissent sur le grand écran à côté de l’estrade déclenchent l’enthousiasme de la foule. Mais, avant que ne commence la cérémonie, Egan Bernal demande une minute de silence en mémoire de Bjorg Lambrecht, le cycliste belge mort deux jours plus tôt en Pologne. « Quand j’ai emporté le Tour de l’Avenir, il est arrivé deuxième. C’était un bon rival et un bon camarade », rappelle le cycliste colombien avec émotion.
Plutôt qu’un long discours, Egan a choisi de donner une conférence de presse en public. « Je commence tout juste à réaliser ce qui m’est arrivé », répète-t-il à plusieurs reprises.
Il revient sur son enfance dans un quartier pauvre de Zipaquira : « Qui aurait pu imaginer qu’un gamin comme moi allait gagner le Tour ? », interroge-t-il. Il attribue sa victoire à sa famille et à son éducation. « Egan n’a jamais cherché la gloire en tant que telle, ni la première page des médias, raconte son cousin Omar. S’il a autant lutté, c’était pour offrir à sa famille un avenir meilleur ».
Une revanche pour la Colombie
« Egan nous offre à tous le plus beau des cadeaux : la fierté d’être Colombien », ajoute avec émotion une dame âgée. La Colombie souffre de son étiquette de pays narco et les Colombiens se montrent soucieux de leur image internationale. L’exploit sportif d’Egan Bernal est vécu comme une revanche nationale, une façon de dire au monde que leur pays est capable du meilleur. « La Colombie est plus que la drogue, le narcotrafic ou la guérilla, explique ainsi Johana Alvarez, 37 ans. Egan représente tous les gens, tous les jeunes qui ont envie d’aller de l’avant dans mon pays. Son succès nous dit que tout est possible ».
À ses côtés, une mère se dit heureuse de voir autant d’enfants et de jeunes sur la place de Zipaquira. « Pourvu qu’ils prennent Egan pour modèle », soupire-t-elle. Comme pour répondre à ce souhait, le secrétaire à l’Education de la municipalité, Enar Alfonso Castro, explique avoir mis en place dans toutes les établissements scolaire une Semaine Egan pour que les jeunes « puissent, après la fête, réfléchir à cette victoire et en tirer des leçons ». Un journaliste interroge le sportif : « Croyez-vous que votre victoire puisse continuer à changer la société ? ». Egan peine à répondre.
Interrogé sur ses projets d’avenir le cycliste se montre modeste. « Je ne suis pas sûr de gagner encore le Tour de France », explique-t-il. La foule proteste. « Mais j’ai 22 ans, rappelle-t-il. Tout est encore possible. Ne vous inquiétez pas, Egan Bernal va rester dans le jeu encore longtemps ». Son projet le plus sûr ? « Continuer à aimer le vélo et à en faire le plus longtemps possible ». Il admet toutefois que la victoire est « comme une drogue (sic) : quand on a gagné une fois on a envie de gagner encore ».
Traverser Paris, c’est sincèrement émouvant, vraiment très émouvant. Moi, je ne savais pas ce que je voulais, si j’avais envie que l’étape finisse rapidement pour être champion du Tour ou que la journée ne se finisse jamais pour continuer à traverser ces avenues si belles, cet endroit si spécial, avec tous ces drapeaux colombiens. On aurait pu croire qu’il y avait plus de Colombiens que de Français là-bas!