Tunisie : Mandat de dépôt contre Rached Ghannouchi
Le juge d’instruction près le Tribunal de première instance de Tunis a émis, ce jeudi 20 avril 2023 à 5h30, un mandat de dépôt à l’encontre du président du parti islamiste Ennahdha Rached Ghannouchi.
Plusieurs sources concordantes, dont des membres de son collectif de défense ont affirmé que le juge d’instruction en charge de l’affaire de complot contre la sûreté de l’Etat, dans laquelle est arrêté Rached Ghannouchi, a émis à son encontre, ce matin à l’aube, un mandat de dépôt en prison.
Selon l’avocat Mokhtar Jemai qui intervenait sur une radio privée, un juge d’instruction a décidé d’émettre un mandat de dépôt pour incarcérer le chef islamiste de 81 ans à l’issue d’un interrogatoire de plus de neuf heures.
Il avait été interpellé lundi soir sur la base de déclarations dans lesquelles il avait affirmé que la Tunisie serait menacée d’une « guerre civile » si les partis de gauche ou ceux issus de l’islam politique comme Ennahdha, y étaient éliminés.
Le Front de salut national (FSN), coalition d’opposition dont est membre Ennahdha, a confirmé que le juge a invoqué notamment le motif de « complot contre la sécurité de l’État » pour écrouer Rached Ghannouchi. Le FSN a dénoncé « un effondrement des libertés dans le pays », soulignant que Rached Ghannouchi n’avait fait qu’émettre « une opinion dans un séminaire organisé par le FSN ». Pour le FSN, le pouvoir « a fini par criminaliser la liberté d’expression et d’activité politique pacifique, preuve de son échec à préparer un dossier judiciaire sérieux ».
Dans un communiqué, Ennahdha a rejeté toute intention de Rached Ghannouchi d’appeler à la guerre civile, disant « condamner fermement une décision injuste qui a pour but de couvrir l’échec total du pouvoir à améliorer les conditions économiques des citoyens ». Le parti d’opposition a décrit Rached Ghannouchi comme « un symbole national qui a passé le plus clair de sa vie à résister à la dictature à travers une lutte pacifique ».
Les États-Unis ont dénoncé mercredi soir « une escalade inquiétante » en Tunisie, après l’emprisonnement d’une vingtaine d’opposants ainsi que de personnalités dont des hommes d’affaires et le directeur de la radio la plus écoutée du pays, Radio Mosaïque, depuis début février.
L’Union européenne avait exprimé sa grande « inquiétude » dès mardi après le placement en garde à vue de Rached Ghannouchi, rappelant l’importance du « principe fondamental du pluralisme politique ». La France avait pour sa part noté que cette interpellation « s’inscrit dans une vague d’arrestations préoccupantes », rappelant son « attachement à la liberté d’expression et au respect de l’état de droit ».
Rached Ghannouchi est l’opposant le plus en vue à être arrêté depuis le coup de force du président Kaïs Saïed qui s’est emparé des pleins pouvoirs en juillet 2021. Selon les médias, cinq hauts responsables d’Ennahdha interpellés au même moment que lui ont été remis en liberté.
par: Arab Observer