Yémen: le gouvernement affaibli après la victoire des forces du conseil de tansition du sud à Aden

Le gouvernement internationalement reconnu du Yémen est plus faible que jamais après la prise d’Aden par  les forces sudistes, qui devraient toutefois choisir la négociation pour régler la crise plutôt qu’une déclaration d’indépendance, selon des analystes.

Le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi a accusé les forces sudistes du Conseil de transition du sud (STC) d’avoir mené un « coup d’Etat » en s’emparant samedi du palais présidentiel et d’autres positions clés dans la grande ville du sud, Aden.

« Le gouvernement Hadi a été très affaibli par les évènements d’Aden. Il a maintenant perdu le contrôle de deux capitales », estime Elisabeth Kendall, chercheuse au Pembroke College de l’Université d’Oxford.

Aden a été déclarée « capitale temporaire » du gouvernement après que les rebelles Houthis se sont emparés de Sanaa, lors d’une offensive majeure dans le nord du Yémen en 2014.

« C’est un véritable coup porté à la crédibilité du gouvernement de M. Hadi, qui n’en reste pas moins le président internationalement reconnu », souligne Peter Salisbury, analyste à l’International Crisis Group (ICG).

Une coalition dirigée par les Saoudiens est intervenue au Yémen en 2015 pour soutenir le gouvernement Hadi face aux rebelles Houthis.

« Le président Hadi donne une couverture légale à l’intervention de la coalition (…) et il délégitime le contrôle du nord-ouest par les Houthis », explique-t-il.

Farea al-Muslimi, expert associé à l’institut Chatham House, estime que M. Hadi, exilé à Ryad, « est déconnecté de la réalité du terrain ». Le gouvernement « est en train de s’effriter comme jamais auparavant ».

Pour cet expert, « le STC a pris le dessus militairement et veut maintenant en faire une réalité politique ».

– Dialogue ou sécession –

Le STC, lié au « Cordon de sécurité », puissante force formée par les Emirats arabes unis, fait campagne pour que le sud du Yémen redevienne un Etat indépendant comme il l’était jusqu’en 1990.

Il est dirigé par Aidarous al-Zoubaidi, qui entretient des liens étroits avec Abou Dhabi. Cet ancien gouverneur d’Aden a été limogé en 2017 par M. Hadi.

Si son vice-président Hani ben Breik a déclaré que son mouvement refuserait de « négocier sous la menace », le STC se dit ouvert à des pourparlers proposés par l’Arabie saoudite.

A ce titre, les analystes estiment que les forces sudistes opteront pour des négociations plutôt que pour une déclaration d’indépendance du sud.

« La pression de la coalition (menée par Ryad) évitera probablement un appel direct à la sécession pour le moment », estime Mme Kendall, selon qui « l’objectif immédiat du STC est d’être représenté dans des pourparlers de paix et sur la forme future du Yémen ».

Mais « le STC est en position de force. Il est bien financé et a maintenant des milices recrutées dans le sud qui lui sont fidèles. Il a sans aucun doute toutes les cartes en main à Aden », ajoute-t-elle.

– Partage du pouvoir? –

Cette analyste relève en revanche que la présence du STC hors d’Aden n’est pas très forte.

« Il y a plusieurs groupes qui soutiennent la sécession du sud, mais n’appuient pas le STC. Et il y a aussi plusieurs poches dans l’ancien sud qui ne soutiennent pas du tout la sécession ».

« Si le STC essaie d’exercer une influence en dehors de la sphère immédiate d’Aden, nous pourrions voir un conflit éclater dans le sud », ajoute Elisabeth Kendall.

M. Muslimi exclut, lui, toute partition dans l’immédiat. « Si la partition a lieu maintenant, l’Arabie saoudite sera accusée d’avoir démantelé le Yémen. Cela aurait un prix élevé pour les Saoudiens ».

D’après lui, la création d’un Etat dans le sud est difficile à l’heure actuelle.

« Le STC sera confronté à des défis (…) y compris en matière de sécurité et de lutte contre le terrorisme », explique cet expert, en référence à Al-Qaïda et au groupe Etat islamique (EI).

Les forces sudistes se sont déjà heurtés aux forces gouvernementales en janvier 2018, accusant le gouvernement de corruption et de permettre au parti islamiste Al-Islah d’influencer ses décisions.

Selon M. Salisbury, des négociations pourraient aboutir à un accord de partage du pouvoir et à une représentation du STC au sein du cabinet en échange d’un retour du gouvernement à Aden.

« Le STC a clairement l’intention de contrôler l’ensemble du sud du Yémen et de déclarer son indépendance à long terme. Mais, à court terme, il est probable qu’il entame des pourparlers avec le gouvernement ».

Mais ce gouvernement a exclu mercredi toute négociation avec les forces sudistes sans retrait de ces derniers des positions conquises à Aden.

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