La Croatie : Deuxième tour de l’élection présidentielle
Les électeurs croates votaient dimanche lors d’une présidentielle incertaine où la conservatrice sortante doit séduire la droite radicale si elle veut l’emporter face au sérieux défi représenté par un ancien Premier ministre social-démocrate. Le second tour de la présidentielle survient quelques jours après l’accession de la Croatie à la présidence tournante d’une Union européenne qui devra gérer l’après-Brexit.
Le scrutin a révélé la montée en puissance de la droite dure dans un pays qui fait face à la pression de migrants à ses frontières et est confronté comme ses voisins balkaniques à un exode massif de ses habitants ainsi qu’à une corruption endémique.
Les 3,8 millions d’électeurs sont conviés à choisir entre deux visions pour ce pays baigné par l’Adriatique: la «Croatie authentique» que la présidente conservatrice sortante Kolinda Grabar-Kitarovic affirme représenter, et la «Croatie normale» promise par son rival social-démocrate Zoran Milanovic.
En Croatie, les fonctions présidentielles sont largement honorifiques. Pour remporter un second mandat, Kolinda Grabar-Kitarovic, 51 ans, devra attirer l’aile dure de l’électorat de droite séduite au premier tour fin décembre par un chanteur populiste. Miroslav Skoro avait recueilli près d’un quart des suffrages en promettant de déployer l’armée à la frontière pour empêcher les migrants de passer.
Il s’est gardé de donner la moindre consigne de vote et le scrutin est très ouvert. Un dernier sondage donne trois points d’avance à l’ancien Premier ministre social-démocrate mais montre que 13% de l’électorat reste indécis.
Une défaite de la présidente sortante compliquerait singulièrement la tâche du parti qui la soutient, le HDZ, et du Premier ministre modéré Andrej Plenkovic, aux législatives prévues à l’automne.
Mme Grabar-Kitarovic, qui a remporté moins de 27% des voix au premier tour, espère que ses appels à «l’unité» suffiront à convaincre. En campagne, elle n’a cessé d’invoquer son patriotisme et la guerre de 1991-1995, sujet toujours très sensible. «Nous devons nous rassembler comme en 1990» avant la déclaration d’indépendance, a-t-elle encore lâché cette semaine à ses partisans.
Elle se présente comme une mère de famille comme les autres et met en avant ses origines modestes. Ses contempteurs lui reprochent de nombreuses gaffes.
Elle a également été critiquée pour avoir minimisé les crimes du régime oustachi collaborateur de l’Allemagne nazie pendant la Seconde guerre mondiale, qui suscite une nostalgie croissante en Croatie.
Son rival Zoran Milanovic tente, lui, de faire mentir sa réputation d’arrogance et d’élitisme. Il dénonce aussi comme dangereusement intolérant le concept de «Croatie authentique» que seul le HDZ pourrait représenter.
Le social-démocrate a dominé le premier tour avec un tiers des voix, bénéficiant du soutien des électeurs urbains mais aussi de la division de la droite.
Le chantre d’une «Croatie normale» fondée sur la tolérance martèle que son pays n’est «plus en guerre», doit se tourner vers l’avenir et «lutter pour sa place en Europe».
Ses partisans avaient salué en 2011 l’arrivée au pouvoir d’un homme exempt des accusations de corruption entachant la réputation de bon nombre de membres du HDZ. Mais son gouvernement avait déçu, incapable de combattre le clientélisme ambiant ou développer l’économie.
Les conservateurs du HDZ au pouvoir veulent d’autant plus conserver la présidence qu’ils ont pris le 1er janvier la tête de l’UE pour six mois. Quatre sujets principaux sont à l’ordre du jour: les relations entre l’UE et Londres après le Brexit, le désir d’adhésion de pays des Balkans occidentaux, le changement climatique et le prochain budget pluriannuel de l’UE.
La Croatie est le dernier pays a être entré dans l’UE, en 2013. Mais son économie, fortement dépendante du tourisme, figure parmi les plus faibles des Etats membres. L’adhésion a accéléré l’exode de Croates qui partent chercher une vie meilleure ailleurs en Europe mais invoquent aussi la corruption et le clientélisme ou la piètre qualité des services publics.
Miroslav Filipovic, 60 ans, employé dans l’aéronautique, souhaiterait que la situation s’améliore pour les jeunes. «Le plus gros problème, c’est la corruption, le chômage, la mauvaise situation économique», ajoute-t-il, doutant cependant que quoi que ce soit «d’important va changer».
Les bureaux de vote ferment à 18H00 GMT. De premiers résultats sont attendus une heure plus tard.