Les ONG condamnent l’envoi de bombes à sous-munitions en Ukraine
L’annonce américaine, vendredi, de l’envoi en Ukraine de bombes à sous-munitions révolte les organisations humanitaires, qui rappellent l’impact monstrueux de ces armes sur les civils.
L’usage de ces bombes à sous-munitions (BASM) suscitait, avant même l’officialisation de l’annonce, une vague de condamnations de la part de ceux qui, aux quatre coins du monde, en mesurent les effets et tentent de les atténuer.
Washington a annoncé cette décision peu avant le sommet de l’Otan à Vilnius la semaine prochaine, dans une volonté affichée d’accroître l’aide aux forces de Kiev, mobilisées dans une contre-offensive qui peine à produire des effets majeurs face à l’armée russe.
Ces bombes dispersent de façon indiscriminée et sur une zone supérieure à plusieurs terrains de football une multitude de petits explosifs, dont une partie importante n’explose pas et s’enterre dans le sol. Elles entrent alors, de facto, dans la catégorie des mines anti-personnelles.
Militairement, elles permettent de frapper un grand nombre de soldats ennemis, de rendre inutilisable une piste d’aéroport ou de miner un vaste territoire pour gêner la progression ennemie.
Mais, en violation du droit international humanitaire, elles frappent indistinctement civils et militaires. Les experts affirment qu’entre 5 et 40% des sous-munitions n’explosent pas à l’impact et peuvent ainsi rester dans le sol pendant des décennies.
«C’est une peine de mort pour les civils sur le long terme. Il y a des personnes qui ne sont pas encore nées qui en seront les victimes», dénonce Baptiste Chapuis, de Handicap International – Humanity and Inclusion (HI).
Un total de 123 pays – à l’exception notable de la Syrie, des Etats-Unis, de la Russie, de la Chine ou encore d’Israël – ont signé le traité d’Oslo de 2008, qui interdit la production, le stockage, la vente et l’utilisation des BASM.
La convention d’Oslo relève que les armes à sous-munitions «tuent ou mutilent des civils, y compris des femmes et des enfants, entravent le développement (…), font obstacle à la réhabilitation et la reconstruction post-conflit, retardent ou empêchent le retour des réfugiés et des personnes déplacées (…) pendant de nombreuses années».
Ces armes sont apparues massivement pendant la Deuxième Guerre mondiale. Washington les a utilisées en Irak et en Afghanistan, tout comme Israël au Liban, en particulier face au Hezbollah en 2006. «On démine encore les sous-munitions américaines au Laos», près de 50 ans après la fin de la guerre du Vietnam, souligne Baptiste Chapuis.
L’envoi en Ukraine des BASM serait «escalatoire, contre-productif et ne ferait qu’augmenter le danger pour les populations civiles prises dans les zones de combat», a dénoncé Daryl Kimball, directeur de l’organisation américaine Arms Control Association.
Elles «ne feront pas la différence entre un soldat ukrainien et un soldat russe. L’efficacité des bombes à sous-munitions est largement survendue et l’impact sur les non-combattants est reconnu mais trop souvent ignoré», ajoute-t-il dans un communiqué.
La décision américaine «est un pas en arrière qui mine les avancées considérables de la communauté internationale dans sa tentative de protéger les civils de tels dangers pendant et après les conflits armés», a déclaré de son côté Amnesty International, demandant à Washington de revenir sur sa décision.
Les civils représentent 97% des victimes (tuées ou blessées), 66% d’entre elles sont des enfants, dans les zones où l’âge est pris en compte par les statistiques.
Et 29 pays ou zones dans le monde sont connus ou soupçonnés d’être contaminés par des explosifs non déclenchés liés à des BASM, dont dix Etats parties de la convention d’Oslo, tenus par des obligations de déminage, selon le document.